1915.07.05.De Worms et Cie Port-Saïd.Courrier
Worms & C°
Branch houses in Egypt: Suez, Alexandria & Cairo
Port Said (Egypt)
Le 5 juillet 1915
Messieurs Worms & Cie - Paris
Messieurs,
Deutsches Kohlen Depot.
Nous répondons ici à la demande que vous nous faites dans votre lettre du 18 écoulé sous la rubrique "situation politique".
Le DKD a gardé à la tête de son bureau de Port-Saïd un Suédois, M. Hellenius, qui est assisté par un ou deux petits employés locaux. Il a également conservé comme personnel de chantier son chef magasinier (Grec), un chef de chantier (Danois), un charpentier et quelques matelots, tous employés aux manutentions des BCD. Tout ce personnel (bureaux et chantiers) est à demi solde, et est payé régulièrement par le DKD. Or nous nous sommes souvent demandés comment le DKD s'arrangeait pour avoir les fonds nécessaires et il est très probable que les fonds sont avancés par les BCD. C'est en effet ainsi que les choses se passent pour la main d'uvre que le DKD continue à fournir à nos voisins : les BCD envoient chaque fois au DKD les fonds nécessaires pour couvrir les sommes dues aux Sheikhs charbonniers, et le règlement avec ces derniers s'effectue dans les bureaux du DKD. De là à déduire qu'il en est de même pour le règlement des salaires du personnel du DKD resté ici, il n'y a qu'un tout petit pas qu'on est moralement justifié à franchir. Les chalands du DKD continuent à servir aux opérations des BCD, mais là on a eu la pudeur d'oblitérer l'inscription "DKD" en tête de chaque chaland. Les autorités ne peuvent pas ne pas connaître ce qui se passe, et nous avouons ne pas comprendre cette attitude plus que tolérante à l'égard d'une compagnie ennemie, dont on sait fort bien que partout où elle était établie c'était pour y jouer un rôle aussi politique que commercial, tandis que l'on se montre assez dur pour de simples particuliers. Il est vrai que c'est nous qui leur avons appris l'autre jour que le DKD avait un remorqueur désarmé, qu'on pouvait réquisitionner sans paiement et que le conseil n'a pas été perdu.
Nous sommes certains de ce que nous avançons au sujet des avances faites par les BCD au DKD pour le règlement des charbonniers indigènes, car la chose nous est confirmée par M. Atkins, cet employé que les Maisons de Port-Saïd se sont adjoint il y a quelques années pour contrôler les règlements entre Cheikhs et ouvriers indigènes, et nous rendre compte de toute infraction qu'il pourrait relever. Il sait pertinemment comment les choses se passent et s'est ainsi qu'elles se passaient encore il y a peu de jours. Or, nous eûmes l'occasion d'aller voir tout dernièrement M. Bristow, directeur des BCD, agent consulaire des États Unis, et chargé des intérêts austro-allemands à Port-Saïd, au sujet de la quote-part que payait autrefois le DKD pour le salaire de M. Atkins et ses frais de bureau, et que nous ne lui avons pas réclamée depuis le règlement du 3ème trimestre 1914, d'accord avec nos autres voisins qui participent également à ces frais. Dès les premiers mots, M. Bristow nous a tout de suite dit que "maintenant que le DKD ne fournissait plus de main d'uvre à sa compagnie" les BCD seraient sans doute disposés à payer leur quote-part en lieu et place du DKD, et cela à partir du 1er octobre 1914, qu'il allait d'ailleurs en référer immédiatement à Londres. Bien entendu nous ne lui avons pas dévoilé que nous savions à quoi nous en tenir au sujet de cette question de main d'uvre, mais nous nous demandons quel intérêt les BCD ont à tenir ces arrangements secrets s'ils croient être en régie avec les dispositions des derniers décrets touchant les relations commerciales avec des sujets ennemis. Pour votre gouverne nous ajouterons ici que jusqu'au 3ème trimestre 1914 nous étions sept participants aux frais de salaire et bureau de M. Atkins, chacun payant une quote-part trimestrielle de F 391.60. Cette quote-part a été portée à 457 francs à partir du 4ème trimestre 1914 du fait qu'il n'y avait plus que six maisons participantes, nos voisins et nous ayant décidé de considérer le DKD comme inexistant.
Il nous a paru utile do vous exposer par le détail cette situation toute spéciale afin que vous puissiez en faire état, le cas échéant. En même temps, nous avons pris nos dispositions pour nous tenir parfaitement renseignés de façon à pouvoir vous communiquer toute modification ou changement qui peuvent être apportés par la suite dans les relations, apparemment très étroites, qui existent entre les deux compagnies qui font l'objet de cette lettre.
Veuillez agréer, Messieurs, nos bien sincères salutations.
[Signature illisible]