1914.05.11.De Worms et Cie Bordeaux

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7, allées de Chartres
Bordeaux, le 11 mai 1914

Messieurs,
Nous avons donné notre meilleure attention à ce que vous nous écrivez sur cette question dans votre lettre du 9 courant et nous vous confirmions les renseignements que nous vous avons donnés samedi.
La réunion gréviste annoncée pour samedi soir n'a pas eu lieu et il n'est pas question d'une autre réunion pour le moment ; c'est vous dire que les grévistes sont parfaitement calmes ; ils continuent, du reste, à ne pas se montrer, soit qu'ils aient trouvé du travail ailleurs, à Bordeaux ou dans les environs, soit qu'ils restent dans les cabarets.
La situation malheureusement ne s'est pas améliorée.
Aux Docks Sursol, 11 hommes payés à la semaine, n'ont pas repris le travail ce matin et M. Sursol va les assigner devant le Conseil des prud'hommes. M. S. en conserve encore 28 à la semaine. D'autre part, les caleurs employés aux Docks Sursol, (les caleurs sont les ouvriers chargés de la manœuvre des wagons sur les quais et ainsi nommés parce qu'ils ont souvent à caler les wagons au cours des manœuvres) qui étaient payés à la semaine entre 36 et 39 F, ont demandé ce matin à M. S. à être payés 7 F par jour, soit 42 F par semaine. Il leur a été donné satisfaction, car ce salaire est celui payé sur la rive gauche aux caleurs employés dans les Docks.
Il avait été dit que les hommes du stock menaçaient de se mettre en grève cet après-midi s'ils n'étaient pas payés 7 F : leurs salaires actuels sont très variables, ils touchent tantôt moins, tantôt plus de 7 F, suivant leurs capacités ou leur travail et, de plus, sont souvent payés à la tâche. Mais, jusqu'à présent, nous n'avons aucune confirmation du bruit qui avait couru ce matin et que M. S. nous a affirmé ne pas être exact.
Il s'est présenté aux Docks Sursol une demi-douzaine d'ouvriers nouveaux qui ont été immédiatement embauchés et qui seront logés et nourris aux Docks, s'ils le désirent.
Nous continuons nos annonces dans les journaux locaux et dans les journaux de la Bretagne, de la Lozère, de l'Ariège, etc., où nous les publions depuis vendredi, et nous espérons que cela nous amènera quelques travailleurs.
Le président de la Fédération maritime, M. de Vial, est aujourd'hui à Paris. Le bureau de la Fédération se réunira demain après-midi au retour de son président pour examiner la situation.
Il semble que vous étiez dans le vrai quand vous nous disiez avoir l'impression que l'arrêt actuel du travail durerait un certain temps. Les grévistes doivent se rendre compte combien leur main-d'œuvre est difficile à remplacer, mais nous persistons à croire, et nous notons avec plaisir que telle est également votre impression, qu'il est indispensable que l'on reste parfaitement unis et parfaitement décidés à la résistance.
Nous sommes tout à fait d'accord avec ce que vous nous dites au sujet du résultat de l'intervention éventuelle de l'administration dans les conflits entre ouvriers et patrons. Mais aussi, nous sommes-nous bornés à mettre le préfet au courant en lui demandant d'assurer la liberté du travail, sans plus. Vous savez que le nouveau préfet de la Gironde est M. Olivier Bascou, lequel a épousé Melle Goudchaux qui est une demi-soeur de M. Jule Bernard, des Usines de la Basse-Loire, des Mines de Segré, etc.
Veuillez agréer, Messieurs, nos salutations empressées.

[Signature illisible]

PS. Nous n'avons du reste rien de nouveau à vous dire ce soir. Il n'est heureusement toujours question de rien en ce qui concerne les ouvriers des marchandises générales.

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