1945.11.28.De Robert Labbé.A Hypolite Worms.Note (sans signature)
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Le PDF est consultable à la fin du texte.NB : Note non datée, sans émetteur ni destinataire, provenant d'un dossier contenant la correspondance d'Hypolite Worms avec Robert Labbé et Raymond Meynial.
28 novembre 1945
1°- Lewis Morgan - Bien noté vos indications. Nous sommes entièrement d'accord à leur égard. Je fais le nécessaire.
2°- Nationalisations - Vos conseils sont pleins de sagesse et je m'y rallie entièrement. Ils sont d'ailleurs corroborés par les indications suivantes que je n'ai pas eu le temps de vous donner au téléphone, ou que j'ai recueillies depuis.
Nous avons eu mercredi une réunion restreinte du bureau à laquelle assistaient Pilliard, Fraissinet, Francis Fabre et moi-même. Fraissinet a été extrêmement violent en ce qui concerne certaines compagnies subventionnées, notamment les Messageries maritimes, déclarant que tout le mal venait de leur gestion passée et, en outre, de leur connexion bien connue avec les Chargeurs. Il a exprimé le sentiment qu'à son avis le Comité devait prendre le problème des nationalisations sur le plan d'un lâchage intégral et expliqué de certaines subventionnées, notamment des Messageries maritimes. Fabre lui a répondu, comme vous pouvez le penser. Je suis simplement intervenu pour préciser qu'à mon sens, dans un problème de cet ordre, il n'y avait pas à faire de catégories dans l'armement, étant donné la multiplicité des problèmes communs qui se posent à nous, et que ce n'était pas à certains de jeter la pierre aux autres pour essayer de se tirer d'affaire, le contraire devant vraisemblablement en être le résultat.
Autre violente attaque de Fraissinet à l'égard de Nicol, déclarant qu'il n'était jamais là et, qu'en outre, il était dans une position fausse de non indépendance, étant donné son ex-appartenance aux Chargeurs. Il y a alors également eu une réplique, et il a été décidé que l'on insisterait auprès de Nicol pour qu'il fasse malgré tout son métier à Paris.
Ceci m'incite donc à entrer complètement dans vos vues.
J'ajouterai qu'étant allé hier voir A. F. à propos d'une question relative au bananier attribué à Martin sur le contrat Möller, je me suis entretenu de la situation avec le secrétaire général. Celui-ci, qui partait ce matin pour Copenhague assister à la séance de contrôle de la Conférence maritime internationale, dont il doit rentrer, comme Marchegay, lundi matin, m'a indiqué qu'il n'avait eu jusqu'ici aucune conversation d'ordre général avec son ministre, lequel, par ailleurs, n'a pas encore constitué son cabinet. Il a néanmoins auprès de lui, et A. F. espère qu'il restera, Ségalat, dont vous vous souvenez peut-être, qui a été pendant un an directeur du cabinet de Parodi, et que j'ai eu l'occasion de rencontrer plusieurs fois, celui-ci étant au Conseil d'État et un ami de mon frère et de moi.
A. F. m'a indiqué, qu'à son sens, la question nous intéressant n'allait pas se poser pour le moment, qu'il ne savait même pas si jamais la question se poserait autrement que sur le plan retenu dans le précédent gouvernement et qu'il nous conseillait, en tout cas, de ne faire présenter par les armateurs aucun projet précis dont, étant donné son origine, il serait facile de dire qu'il serait fait uniquement dans leur intérêt et avec l'arrière-pensée de mettre dedans les pouvoirs publics. Lui-même, dans les semaines qui vont venir, va rechercher - et je lui ai demandé que nous puissions être interrogés par lui à cet égard -un système permettant de réaliser la transition entre la dissolution de l'UMA au 2 mars et le retour à un régime normal.
Comme il a alors nettement précisé que sa propre position était stable, je pense qu'il n'y a qu'à suivre cette voie dont nous nous entretiendrons la semaine prochaine, au retour de Marchegay.
En définitive, ces quelques indications complémentaires qui vous précisent les données les plus récentes du problème qui nous intéresse, confirment bien votre position. Il n'est d'ailleurs pas exclu qu'indirectement mon idée ne surgisse, car A. F. m'a indiqué que son ministre paraissait surtout intéressé pour le moment par la question aéronautique civile.
3° Distribution de fin d'année - La question dont je voulais vous entretenir était la décision que nous allons être amenés à prendre d'ici trois semaines au sujet de la distribution de fin d'année. Je rappelle pour mémoire que notre exercice 1944, pour les différentes raisons que vous connaissez, s'est clôturé par une perte comptable légèrement supérieure à 32 millions.
Ni au point de vue fiscal, ni au point de vue droit commercial et de notre responsabilité de gérant, nous ne pouvons envisager de mettre en distribution une somme quelconque au titre de cet exercice - qui est celui nous intéressant puisque, je vous le rappelle, nos distributions sont décalées d'un an (fin 1945 distribution relative à l'exercice 1944).
Cependant, comme vous l'avez toujours estimé désirable pendant le cours des hostilités, il serait satisfaisant que nous puissions mettre à la disposition des uns et des autres une somme qui, étant donné la dureté des temps, est indispensable pour certains. Après en avoir parlé avec Meynial, je suis arrivé à la formule suivante, que je soumets à votre approbation.
L'exercice 1944 étant déficitaire, nous annulerons toute distribution à son égard.
Exceptionnellement et par dérogation à nos usages antérieurs, nous mettrons en distribution au 31 décembre 1945, la part de bénéfices correspondant audit exercice 1945. D'après les calculs sommaires que j'ai faits, compte tenu des résultats acquis des différents départements à la date d'aujourd'hui, nous pouvons envisager que notre exercice se clôturera par un résultat permettant de couvrir notre déficit antérieur et, compte tenu des résultats bénéficiaires des deux succursales d'Alger, d'avoir à notre disposition la somme nécessaire pour réaliser une distribution analogue à celle de l'année dernière, soit 6.100.000.
En 1946, comme nous serons certainement obligés, ce qui est d'ailleurs normal, de rapatrier les bénéfices réalisés depuis 1940 en Égypte, à l'heure actuelle déposés entre les mains du séquestre égyptien et dont le gouvernement français négocie le dégel, nous aurons les sommes nécessaires pour faire une distribution équivalente à une distribution annuelle intérimaire entre celle afférente aux résultats de 1945 qui aura été faite un an trop tôt et celle afférente - soyons optimistes - à l'exercice 1946 qui reprendrait sa date normale à fin 1947.
Personne ne serait lésé. Les intéressés recevraient un complément de revenus équitable, étant donné les traditions de gestion de la Maison. Notre position au point de vue gestion - ceci me semble important dans les circonstances actuelles - demeurerait inattaquable. Je crois enfin qu'aussi bien en ce qui concerne la situation de trésorerie de la Maison qu'en ce qui concerne le développement futur de l'intervention de l'État dans nos affaires, la somme que j'ai citée plus haut apparaît comme parfaitement calculée.