1944.09.09.Du journal Le Franc-tireur.Article

NB : Cet article est conservé dans un recueil de coupures de presse, classé au 3 juin 1943.

Franc-tireur
9 septembre 1944

Enfin, une véritable épuration !
Arrestation des financiers Worms, Mirabaud, Le Roy Ladurie et de Darquier de Pellepoix

Cette fois-ci, ce n'est pas seulement de l'épuration. On commence à purifier l'atmosphère.
Les noms des "mauvais Français", comme le chantait Pierre Dac, qui ont été arrêtés hier sont peut-être moins connus du grand public que ceux des vedettes de théâtre ou de cinéma qui, pendant quatre ans, se sont "données" avec tant d'ardeur à l'occupant nazi. Mais ils sont autrement symptomatiques de la volonté du gouvernement provisoire de poursuivre jusqu'au bout l'oeuvre de salubrité nationale qu'il a promis d'accomplir et de frapper haut et fort et d'autant plus fort qu'il faut frapper haut.
Donc, le palmarès, aujourd'hui, est de choix. A tout seigneur, tout honneur et nous ouvrirons la liste par le banquier Hyppolite Worms, l'un des personnages les plus marquants de la haute finance. Ce financier, qui contrôlait un nombre d'affaires très important et sur lesquelles nous aurons bientôt l'occasion de revenir, a exercé pendant longtemps une influence occulte, mais redoutable, sur la politique de son pays. L'interpénétration industrielle et financière, par le jeu des conseils d'administration, lui avait permis d'étendre son contrôle jusqu'à la plupart des industries vitales de la Nation. Armateur importateur, charbonnier, pétrolier, banquier, il détenait également la majorité dans la société des machines Japy, où nous retrouvons feu Pucheu, le ministre de l'Intérieur de Pétain, comme directeur général.
Une telle puissance devait avoir son expression écrite et ses serviteurs à gages. Aussi bien, voyons-nous, dès 1937, l'ombre de Worms se glisser derrière plusieurs journaux, parmi lesquels la "Liberté" de Doriot, dont le rédacteur en chef n'était autre que Paul Marion. On peut dire que cette ombre "éclairait" singulièrement.
La direction générale de la banque d'affaires Worms était confiée à Gabriel Le Roy Ladurie, le frère même de l'ancien ministre vichyssois de l'Agriculture, qui traitait directement avec les Allemands les affaires de son patron, lequel pensait être assez habile en ne se "mouillant" pas lui-même. Un troisième financier, plus important que Le Roy Ladurie, et qui ne le cède en rien à Worms, le banquier Mirabaud, administrateur de nombreuses sociétés minières et dont les participations s'étendent des Balkans à l'Amérique du Sud, est venu rejoindre ses confrères.
C'est à lui que le Reieh est redevable de la rafle des actions des mines de cuivre de Bor (Yougoslavie). M. Mirabaud aura loisir de s'en expliquer.
Passant de la finance à l'industrie, signalons encore l'arrivée au dépôt de Jean-Marcel Aubert et Mario Blanc, administrateurs de la Soga, accusés d'avoir livré des pièces détachées d'avions aux nazis ; de Louis Malzac, ancien président-directeur de l'Omnium des produits azotés, constitué en 1941 pour grouper Ies industries fabriquant des explosifs et mettre leur production au service de l'Allemagne. Le suivent dans sa "retraite" imprévue, Marcel Guette-Grave, qui lui succéda, et Jack Leroux, président du Syndicat des explosifs, qui entra en pourparlers avec les Allemands en vue de la constitution de l'Omnium industriel, encore qu'il est pénible de citer ici : René Fonck, colonel de réserve d'aviation, l'ancien as des as de 1914-18, mais trafiquant éhonté.
Quittons les financiers et les industriels "sérieux" pour ce traître immonde et ce pourvoyeur de bagne qu'est Darquier de Bellepoix, recrue malgré tout de choix.
Darpoix de Quelpied, comme aimaient à l'appeler ceux qui, dès l'avant-guerre, savaient apprécier à sa juste non-valeur cet énergumène, faux hobereau (car son nom, fort honorablement porté par les siens, est simplement Darquier), antisémite forcené de longue date et à ce titre disciple patenté des officines d'outre-Rhin, conseiller municipal de Paris et Topaze de première grandeur, nommé par Pétain commissaire aux Affaires juives... Et chassé de ce poste par les nazis eux-mêmes, jaloux des combinaisons vénales de cet ivrogne bambocheur.
Moins voyants, mais appréciables quand même sont le gouverneur général des colonies Brévié et le directeur de la Croix-Rouge, de Rohan-Chabot.
Enfin, donnons aujourd'hui la vedette américaine à un artiste réputé, le virtuose Alfred Cortot, chef d'orchestre de Radio-Paris.
Nous ne nommons pas encore Prouvost, mais nous ajoutons : « A suivre... »

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