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Copie de lettre

Interrogatoire de Le Roy Ladurie

Est introduit l'inculpé Worms Hypolite - déjà entendu - assisté de Me Lenard, son conseil.
II déclare :
Je n'ai rien à ajouter aux déclarations que vous a faites Monsieur Le Roy Ladurie et aux notes relatives à l'activité de la Scane et de l'UEFEN qu'il vous a déposées.
Je voudrais tout de même faire à ce sujet une remarque d'ordre général qui relève du bon sens.
On semble, en effet, insinuer dans la note dont vous donnez lecture, que par ses relations avec la Suède, la Maison Worms a pu travailler avec l'ennemi que, par le truchement des deux sociétés sus-visées dans lesquelles la Maison Worms est intéressée, des marchandises françaises ont pu passer en Allemagne. Le document émanant du délégué du gouvernement suédois versé au dossier apporte la preuve formelle qu'aucune marchandise exportée en Suède, soit de la métropole, soit de l'Afrique du Nord n'a été réexportée.
Bien que ce document ne fasse pas mention de la Scane, toutes les transactions effectuées par cette dernière ayant été négociées par l'UEFEN se trouvent automatiquement bénéficier des déclarations de Monsieur Belgrade.
Mais il y a plus. Comment peut-on penser que l'ennemi qui occupait d'abord les deux tiers, puis la totalité de la France et qui avait tous les moyens possibles pour prendre directement - et il ne s'en est pas privé - toutes les marchandises françaises qu'il voulait, soit en les réquisitionnant, soit en les achetant, aurait eu besoin de l'intermédiaire de la Suède pour obtenir, après un double voyage qui en rendait les conditions plus onéreuses, une part des produits de luxe (vins, alcool, parfumerie, soieries, etc.) destinés à la Suède, que n'importe quel organisme officiel allemand, n'importe quel particulier militaire ou civil des pays ennemis pouvait tout simplement prendre de force ou acheter à Paris ou dans n'importe quelle ville de France. C'est tellement contraire à la logique et à tout sens commun que je ne puis m'empêcher de relever la chose. Il est, en effet, absurde de penser au surplus que les Allemands auraient acheté en Suède, contre paiement en or, des marchandises qu'ils pouvaient se procurer à Paris, à l'aide des fonds d'occupation.
J'ajouterai, sous ce même chapitre, que la Maison Worms n'a aucune activité quelconque au Maroc ou à Dakar, sauf dans la mesure où les navires qu'elle possède ou contrôle escalent à Casablanca ou à Dakar.
Et signent après lecture.