1897.12.17.De Paul Rouyer - Worms et Cie Buenos Aires.Original
Document original
Le PDF est consultable à la fin du texte.Worms & Cie
402, Corrientes
Buenos Aires, 17 décembre 1897
MM. Worms & Cie
Paris
Chers Messieurs et amis,
J'ai à vous remercier pour votre lettre du 19 novembre contenant de très intéressantes informations, malheureusement la plupart fort peu encourageantes pour la plupart.
Nous sommes ici dans l'attente de ce que vous aurez pu faire, d'accord avec Cory pour amener MM. Wilson à donner des instructions à M. Harley, leur agent, en vue de sa participation à l'entente qui était pratiquement conclue avec lui le 6/7 et pour une durée de trois mois (ou plutôt jusqu'au 31 mars) et qu'il a ensuite refusé de maintenir.
M. Harley est remarquablement obstiné et je crains bien qu'on n'arrive à rien. Toutefois, comme M. Johns (de Cory) me priait de tenter encore un effort commun en expédiant à nos maisons mères respectives un télégramme identique, j'ai cru que ça valait la peine de le faire avant de nous résigner à pratiquer à terre des prix de guerre tandis que l'arrangement bunkering a été fait tout à l'avantage de Wilson.
M. Hartley ne veut rien admettre de l'expérience que ses collègues de Boisduval et surtout Lewis et Alf. Boyd ont de la clientèle de terre à Buenos Aires ; ces derniers cependant lui ont fourni tous les arguments et des exemples pour lui montrer que le consommateur contractant saura toujours tirer le meilleur parti d'un contrat au détriment du vendeur. Il n'a rien voulu entendre et veut traiter ces affaires par contrats tout comme les bunkering business avec "benefit of fall clause" !
M. Harley a évidemment en vue de conserver comme clients tous les consommateurs qui peuvent figurer sur les livres de la Carbonera. Le tout est de savoir si ces clients partageront sa manière de voir. Je vous rappellerai à ce sujet que, lors de l'achat de l'affaire de Stein, vous avez, bien contre mon gré et appréciation, évalué à £ 1.000 pour 20.000 tonnes les contrats cédés par de Stein et que nos livraisons se sont élevées à moins du 1/5e de cette quantité, bien des clients ayant repris leur liberté.
M. Harley est depuis 34 ans dans le pays mais il est y est venu à 14 ou 15 ans. Il connaît surtout Montevideo et tout particulièrement les affaires de bunkering mais on m'assure qu'il va reconnaître aux dépens de sa Maison l'erreur qui le guide en matière d'affaires avec la terre. Ce sera une maigre consolation et j'eusse de beaucoup préféré le voir marcher d'accord avec nous, au moins jusqu'au 31 mars à titre d'essai, comme j'en avais obtenu de lui la promesse.
Une entente pour les affaires à terre ne peut vraiment marcher que sur un prix et des conditions uniformes suivant les catégories d'affaires. Dès qu'on introduit le droit de faire des réductions de prix tout s'écroule comme un château de cartes, car la réduction exceptionnelle devient immédiatement la règle par le simple effet de la concurrence et qu'elle ne s'arrête que lorsque le prix est devenu absolument mineur.
Je comprends d'autant moins l'action de M. Harley qu'il commencera son année avec un stock d'environ 16 à 18.000 qui est à La Plata à un prix de revient d'au moins 28 ou 29 à terre dans leur dépôt. Les livraisons à La Plata sont vraiment insignifiantes, non seulement pour nous mais aussi pour les autres et sans doute M. Harley devra chercher à écouler à terre une partie de ce stock. Il eut donc eu tout intérêt à maintenir l'entente pour s'assurer un prix rémunérateur pour l'écoulement d'un stock aussi coûteux.
Obras de Salubridad. Nous ne saurons que cet après-midi si nous avons l'affaire qui représentera pour nous une quantité de 9.000 tonnes Cardiff à expédier de décembre à août prochain et qui devra nous laisser un profit raisonnable.
L'affaire, si elle est réussie, aura une très heureuse influence sur le marché pour nous. C'est pourquoi je crains que nous ayons la désillusion de voir notre offre repoussée.
Spinetto. Je viens d'avoir la visite du beau-père de [Est. Sp. Hijo] qui m'a expliqué les difficultés dans lesquelles se trouve la liquidation. C'est certainement un finaud. Ces gens sont en somme peu honorables malgré leurs bonnes paroles. Je crains bien que nous ne puissions jamais retirer de cette affaire plus de 65% en tout au lieu de 60½% qu'on nous a déjà fait offrir. Nous tenterons encore d'arriver à 70% et je vais auparavant consulter avec Lewis notre avocat. Je voudrais bien au moins réussir quelque chose de ce côté.
Départ. Lorsque vous connaîtrez la date de mon départ, je vous serais obligé de vouloir bien faire savoir à ma femme et à mon fils où et quand ils doivent m'écrire pour que je trouve de leurs nouvelles aux escales Dakar et Lisbonne et à l'arrivée à Bordeaux. Le mieux serait de leur remettre trois enveloppes que préparerait à cet effet l'illustre calligraphe Rousselot.
Veuillez bien transmettre mes hommages respectueux à vos mères, à la chère Madame Worms et à Mme Delavigne et L. Worms en me rappelant au bon souvenir de nos associés et croyez pour vous-mêmes, messieurs et chers amis, à tous mes sentiments bien cordialement dévoués.
Paul Rouyer
P.-S. M. Weill de la maison [Danon] est venus hier matin me demander quand nous aurions fini le déchargement de ["Demataël"] ! C'est aller un peu vite, mais je ne lui en ai pas moins dit que dès que j'avais eu connaissance de l'affrètement, j'ai dit à Lewis de faire tout ce qu'il pourrait de mieux.