1948.00.De Worms et Cie.Origines de la Maison Worms (1852-1856).Original

Note de synthèse des renseignements collectés dans les copies de lettres, en préparation à la rédaction du livre intitulé Un Centenaire - 1848-1948 - Worms & Cie, paru en octobre 1949

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NB : Synthèse préparatoire à la rédaction de l'ouvrage intitulé "Un Centenaire - 1848-1948 - Worms & Cie". Ce document existe en 2 versions : l'une au nom de M. Barnaud, qui est l'exemplaire reproduit ci-après, et l'autre, qui lui est antérieure, dénommé "Service" au nom de M. Borie. Parmi les corrections figurant sur cette dernière, il en est quelques-unes qui n'ont pas été reportées sur la version scannée. Ces passages ont été ajoutés entre crochets dans le texte.

Origines de la Maison Worms & Cie
Suite
(1852-1856)


Sommaire
Californie - Océan indien
Méditerranée - Guerre contre la Russie - Chemins de fer lombards vénitiens, etc.
Le Havre (Hantier Fils Mallet & Cie) - Rouen (constitution de la société A. Grandchamp Fils) - Bordeaux (Chemins de fer du Midi)
Charbon du South Yorkshire - Anglo-French Steam Ship Cy Ltd - Succursale de Grimsby
Navigation à hélice : s/s "Vulture", "Eugénie", "Victoria", "Napoléon", "Lucien" - s/s "Séphora", "Emma"
Cabotage
Succursale de Bordeaux
Divers

Origines de la Maison Worms & Cie
Suite
(1852-1856)

À la fin de l'année 1851, le commerce des charbons anglais est devenu la préoccupation principale de M. H. Worms.
II semble avoir conservé encore quelques intérêts dans l'industrie du plâtre, mais il n'en fait plus l'objet de sa direction effective. De même ses opérations de banque conservent le caractère accessoire qu'elles avaient depuis plusieurs années déjà et restent limitées à un cercle restreint d'amis et de parents. En 1855 il s'intéresse à un projet de construction d'un chemin de fer destiné à relier le port du Pirée à Athènes, mais ce ne fut qu'un fait isolé ; il abandonna l'opération définitivement au début de l'année 1857.
Déjà réputé comme le plus grand négociant de charbons de France, il prévoit encore, pour ce genre de commerce, de grands développements, non seulement grâce à l'activité économique générale, mais aussi grâce aux avantages que lui assure la situation qu'il s'est acquise.
On trouve, fréquemment exposés dans sa correspondance, ceux de ces avantages auxquels il semblait attacher le plus d'importance.
Tout d'abord, il voyait dans sa qualité de négociant non inféodé à une ou plusieurs mines, une garantie en faveur de ses clients, pour le choix des charbons les plus appropriés à leurs besoins(1).
L'existence de sa maison à Cardiff en même temps qu'à Newcastle augmentait l'étendue de cette garantie, mais elle lui permettait en outre de lutter contre les exigences sans cesse grandissantes des mines de la région de Newcastle qui tiraient profit d'une expérience beaucoup plus ancienne et d'une réputation plus étendue.
D'autre part, la quantité de charbon dont il avait l'emploi lui permettait de conclure des contrats avec plusieurs mines, de telle sorte que lorsqu'une d'elles était en grève, ou lorsque le tour de chargement y était trop long, il avait la ressource de mettre ses navires en charge dans une autre. Assurés de trouver auprès de lui une expédition rapide de leurs bateaux, les capitaines lui consentaient plue facilement des avantages qu'ils étaient peu disposés à accorder à ses concurrents. Enfin, comme il avait toujours plusieurs affaires en mains, les courtiers lui faisaient leurs offres avant de s'adresser à d'autres ; en fait, les maisons concurrentes de Londres s'adressaient fréquemment à lui pour trouver des navires.
Les affrètements conclus dans de pareilles conditions assuraient aux acheteurs plus de garanties que ceux abandonnés à des agents secondaires ou à des courtiers intéressés à favoriser les armateurs, leurs clients habituels, ou même que ceux confiés aux propriétaires de mines qui se souciaient plus de charger le charbon que de payer tel ou tel prix de fret.

Californie - Océan indien
En fait, M. H. Worms avait déjà acquis une telle notoriété en France qu'à la suite d'adjudications où ses offres avaient été écartées, il vit des adjudicataires faire appel à ses services pour l'exécution de leurs marchés, mais il se sentait en mesure de livrer partout et aussi bien que toute maison anglaise et d'aborder « toutes les grandes affaires dans tous les points du globe où l'on consomme du charbon » même dans les pays les plus lointains. Il fut ainsi amené à donner de l'extension aux relations qu'il avait déjà songé à établir avec San Francisco, ainsi qu'avec les ports de Panama, Acapulco, etc., en plein essor depuis la découverte des mines d'or de Californie. Au cours de l'année 1853, il fit, à destinfation de San Francisco, en participation avec des maisons amies, plusieurs expéditions importantes de Cardiff, Swansea et Newport, dont l'une atteignit 1.853 tonnes, tonnage considérable par comparaison avec ceux de 200 à 500 tonnes, normaux en Europe. Devant l'importance des besoins de cette région(2), il songea même à établir un courant d'expéditions suivies et régulières, mais l'instabilité du marché et la concurrence que les charbons américains, voire même australiens, commençaient à faire dans le pays aux charbons anglais, trompèrent ses espérances et il fut amené assez vite à abandonner ses projets(3).
II continua à faire quelques expéditions en Amérique du Sud pour le compte de la maison N. Dreyfus Frères et traita également quelques marchés pour la Guyane (pour compte de la maison Chevillotte Frères), pour les Antilles françaises, puis pour les mers des Indes et de Chine où il fit quelques envois à destination de Manille, Macao, Singapour, Shangai, le cap de Bonne-Espérance, pour le compte de la Marine française. En 1852, M. Nixon qui pensait que les transports sur les lignes conduisant en Australie prendraient un grand développement, lui proposa de s'intéresser à l'exploitation d'un "hulk" à Saint-Vincent pour le charbonnage des navires.
Cependant ces affaires, relativement nouvelles, restaient d'importance secondaire ; les besoins de charbon dans les pays lointains étaient, malgré tout, encore faibles, la navigation à vapeur transocéanique n'en étant qu'à ses débuts et commençant à peine à prendre véritablement son essor.
Quoi qu'il en soit, on peut retenir comme témoignage de la notoriété acquise dès cette époque par M. Worms, le fait qu'il commença alors à être consulté sur la possibilité de ravitailler les navires à vapeur en charbon de soutes dans les ports d'escale de l'Atlantique : Madère, Ténériffe, Saint-Vincent, etc.

Méditerranée - Guerre contre la Russie
C'est avant tout vers le marché français et d'abord vers Marseille et la Méditerranée, où le vigoureux élan pris par la navigation à vapeur attirait son attention, qu'il porta ses efforts. Les rapports qu'il recevait lui présentaient Marseille comme une place où il y avait une admirable position à prendre pour la ville même ainsi que pour l'Orient et la Méditerranée. La navigation à vapeur marseillaise était en pleine croissance, les anciens armements se développaient de jour en jour, d'autres se créaient à chaque instant.
Au début de l'année 1853, il songea à s'établir plus solidement à Marseille. Il revient un moment à son ancienne idée d'y créer une succursale, mais la collaboration qu'il avait en vue lui fit défaut avant qu'il ait pu prendre une décision définitive et il ne donna pas suite à son projet.
Les appuis locaux qui lui étaient déjà acquis lui permirent de créer des relations avec plusieurs maisons dont l'histoire de la navigation à vapeur marseillaise a conservé le souvenir (Bazin & Périer, Taffe, Michel Rebuffet Caffarel & Cie, etc.). Pour élargir sa position, il accepte un moment de donner suite à des propositions de participation qui lui furent faites pour la création de nouvelles sociétés de navigation, mais après un premier essai dont le résultat ne répondit pas à ses espérances, il renonça à cette idée, préférant s'en tenir exclusivement à son rôle de négociant en charbon.
La concurrence cependant était très vive et pouvait atteindre d'un jour à l'autre la situation qu'il avait acquise dans le bassin méditerranéen. Fait significatif, on vit se constituer à cette époque à Marseille, sous le nom de "Société charbonnière du Midi" avec la raison sociale Jean Vincent Ernest Barry & Cie, une société au capital de trois millions de francs ayant pour objet le commerce des charbons français et étrangers. Cette création était, peut-on dire, une nouveauté dans ce genre d'affaires en raison du montant du capital investi et témoigne de l'importance que le commerce des charbons commençait à prendre. Des concurrents locaux s'en émurent et des propositions furent faites à M. H. Worms pour la création d'une société rivale avec le concours de maisons du bassin de la Loire et du Midi. II ne retint pas cette proposition, mais il songea lui-même, en 1854, à faire appel à M. Bazin (dont la maison venait de fusionner avec la maison Léon Gay pour fonder la Compagnie générale de navigation à vapeur) dans le but de créer, en collaboration, un grand commerce réunissant les charbons indigènes et les charbons anglais. Quoi qu'il en soit des intentions de M. H. Worms de s'associer à une maison locale, il ne semble pas qu'elles aient reçu de suite réelle.

Guerre contre la Russie
Ses prévisions sur les besoins de la navigation à vapeur à Marseille et en Méditerranée se trouvèrent bientôt dépassées par suite des événements d'Orient et de la guerre contre la Russie [« qui allait donner l'occasion de faire en grand appareil la preuve de la supériorité de la vapeur sur la voile et des changements que la substitution de l'une à l'autre devait nécessairement introduire dans la tactique de mer » (Camille Rousset)]. La flotte de guerre française comprenait déjà un nombre respectable de navires à vapeur. Celle qui eut à transporter l'armée, de Varna en Crimée, comptait : 4 vaisseaux de ligne à hélices, 35 frégates, corvettes et avisos à vapeur (non compris les navires à voiles et les bateaux de la Marine marchande). Déjà connu par le ministère de la Marine par ses livraisons à Cherbourg, à Toulon et à Alger notamment, et par ses propositions récentes pour l'Océan indien et les mers de Chine, fournisseur des Messageries impériales en Méditerranée, il était tout désigné pour assurer le ravitaillement de cette flotte en combustible.
A la fin du mois de février 1854, le gouvernement fit appel à lui, en lui laissant carte blanche, pour des livraisons importantes à Constantinople et à Alger, et d'autres, plus restreintes à Bône, Oran et Stora. Il semble que cet ordre lui ait été transmis assez brusquement sans doute en raison de la précipitation avec laquelle furent faits les premiers envois de contingents en Orient, précipitation que traduit, à la fin d'avril 1854, une boutade du maréchal de Saint Arnaud(4) : « Il n'y a de charbon nulle part et Ducos(5) ordonne de chauffer avec le patriotisme des marins ». (Histoire de la guerre de Crimée par Camille Rousset.) M. Worms considéra sa mission comme une affaire d'honneur et transmit des ordres en conséquence à ses succursales de Cardiff et de Newcastle et à ceux de ses agents dans les ports français où il pouvait espérer affréter des navires, en leur recommandant de procéder avec la plus grande diligence. Les besoins des gouvernements français et anglais entraînèrent une hausse générale des frets, si importante qu'il jugea indispensable de provoquer [dans l'intérêt des deux pays] une entente afin d'éviter l'arrivée sur le marché de demandes simultanées pour les mêmes destinations. A la suite des démarches qu'il entreprit dans ce but, le fournisseur de l'armée britannique fut autorisé à l'informer de l'importance des ordres qu'il avait à exécuter.
La Marine française lui confia par la suite, au cours de la guerre, l'exécution de nombreuses autres commandes, aussi bien pour la Méditerranée que pour la Baltique. Il fut ainsi amené à lui livrer pendant la seule année de 1854 plus de 100.000 tonnes de charbon dont la plus grande partie était pour la Méditerranée, principalement pour les ports d'Alger, Malte, Le Pirée, Milo, Syra, Beicos, Gallipoli, Constantinople, etc.

Messageries impériales
Ce tonnage important vint s'ajouter à celui qu'il avait à fournir dans la Méditerranée orientale aux Messageries nationales. La "Compagnie des services maritimes des Messageries nationales" que celles-ci avaient constituée le 19 janvier 1852 et qui devint le 18 février la "Compagnie des services maritimes des Messageries impériales", renouvela, en effet, chaque année avec lui le premier contrat, conclu le 18 août 1851, et en augmenta même l'importance au fur et à mesure du développement de ses services. Elle l'étendit à de nouveaux ports d'escale (Beyrouth, Alexandrette) et à la fin de l'année 1855, elle confia également à M. Worms le soin de pourvoir à ses approvisionnements à Marseille, qu'elle avait jusque là réservés à un concurrent local.
Les fournitures à la Marine française et aux Messageries impériales donnèrent à M. Worms l'occasion de traiter quelques affaires dans les ports d'Orient, en particulier à Constantinople et à Alexandrie, soit avec ses correspondants, soit avec d'autres maisons locales. Ces opérations restèrent restreintes, mais il les mit à profit pour se créer sur place des appuis en vue de relations qu'il envisageait d'établir avec l'industrie locale ou avec les entreprises de navigation à vapeur.

Italie et Adriatique
M. H. Worms s'efforça en même temps de développer ses relations en Italie à Naples, Civitavecchia, Gênes, etc. Dans l'Adriatique il chercha à plusieurs reprises à traiter avec le Lloyd autrichien dont il évaluait les besoins à près de 80.000 tonnes, il projeta même, en 1852, de faire le voyage de Trieste dans ce but. Ses démarches n'obtinrent pas le résultat qu'il désirait, mais en raison des avantages qu'il tirait de sa qualité de fournisseur des Messageries impériales, il ne désespérait pas d'aboutir et conserva l'intention de reprendre l'affaire. Par contre, au mois de décembre 1856, il réussit à obtenir des Chemins de fer lombards vénitiens une première fourniture de 3.000 tonnes à effectuer à Venise dans un délai de deux mois.

Dieppe, Le Havre, Rouen, Bordeaux
En France, la Seine-Inférieure (Le Havre, Rouen, Dieppe) et Bordeaux restèrent avec Marseille les principaux centres de son activité.
Au Havre, il considérait son association avec MM. Hantier & Mallet comme une de ses affaires les plus importantes et les plus prospères. Ils eurent, ses amis et lui, à déplorer la perte, survenue en 1853 et 1854, à quelques mois d'intervalle, du s/s [screw-steamer] "Humboldt" et celle du s/s "Franklin" dont l'approvisionnement en charbon avait été un de leurs premiers succès, mais il semble que peu après ils obtinrent celui des vapeurs Vanderbilt.
Le caractère juridique de leur association fut modifié à partir du 1er janvier 1855 : au lieu d'être simple créancier de M. Mallet, M. Worms devint commanditaire de la société. La raison sociale fut alors changée et devint : "Hantier Fils, Mallet & Cie".
A Rouen il resserra l'entente qui s'était établie entre lui et M. A. Grandchamp. Il mena d'abord à bonne fin le traité qu'ils avaient entrepris de négocier ensemble avec le chemin de fer, en vue d'un transport annuel d'un minimum global de 25.000 tonnes, mais peu après il décida de constituer avec M. A. Grandchamp, sous la raison sociale A. Grandchamp Fils, une société en commandite et de fermer sa succursale ; il s'interdisait de faire lui-même à l'avenir, pendant la durée de la société, le commerce des charbons à Rouen et à Dieppe, mais il était entendu que tous les affrètements de la société seraient réservés à ses maisons de Cardiff et Newcastle. A cette occasion, M. A. Grandchamp et lui confirmèrent en outre leur entente antérieure pour l'achat en commun des charbons, afin d'obtenir de meilleures conditions des mines.
Dès lors une étroite collaboration dont M. Worms était le centre, ne cessa d'exister entre eux et la maison Hantier & Mallet pour les questions d'intérêt commun.
A Bordeaux, aucun fait saillant n'est à retenir au cours de l'année 1852. L'agent de M. Worms commençait à y obtenir de bons résultats et avait de grands espoirs pour l'avenir. Toutefois son principal concurrent, soutenu, semble-t-il, par des maisons anglaises, commença, au cours de l'année 1853, à faire usage de navires à hélices pour le transport de ses charbons, M. Worms dut alors se préoccuper de prendre des mesures pour défendre la situation qu'il avait acquise en même temps que pour faire face à de nouveaux besoins.

Navigation à hélice
D'une manière générale, la France, retardée par les événements politiques dans la reprise économique qui fit suite à la crise de 1847, était entrée, vers l'année 1851, dans une période d'intense activité qui devait entraîner une forte augmentation de la consommation du charbon. Deux circonstances étaient d'ailleurs susceptibles de contribuer à accentuer les progrès [de la consommation des charbons anglais] en Seine-inférieure et à Bordeaux : 1°- La modification, intervenue à la fin de l'année 1853, du tarif douanier de la houille, qui fut le point de départ d'une lutte ardente sur le marché de Rouen entre les houilles anglaises et celles de Belgique ou du nord de la France qui descendaient par la Seine. 2°- L'état d'avancement des travaux de construction des voies ferrées dans la région bordelaise(6).
A cette même époque, la navigation à hélice commençait à passionner les esprits et venait de trouver un emploi important dans le transport du charbon de Newcastle à Londres. Mis au courant par sa maison de Newcastle des premiers résultats obtenus, il vit en elle le moyen de pourvoir efficacement aux nouveaux développements qu'il espérait pour son commerce et songea à en adopter l'emploi.
L'arrivée à Rouen par navire à hélice en novembre 1852 d'un chargement de charbon en provenance de Liverpool avait déjà attiré son attention. L'annonce de projets anglais plus ou moins ambitieux pour l'importation du charbon en France, enfin, l'établissement d'un service entre Cardiff et Bordeaux par son principal concurrent dans cette dernière ville, rendirent la question plus pressante. Il préféra cependant ne rien précipiter et ce n'est qu'en juin 1854 qu'il jugea le moment venu de prendre une décision. Il chercha, tout d'abord, à louer un navire à hélice(7) en Angleterre pour quelques mois, mais les exigences auxquelles il se heurta de la part des armateurs ne lui permirent pas de donner suite à ce projet. Il décida alors, avec ses amis MM. Mallet et Grandchamp, de se rendre compte d'une manière approfondie de ce qui se faisait en Angleterre. M. Mallet procéda à une longue enquête à la suite de laquelle il vit à l'entreprise des avantages réels : diminution du prix de revient des transports, possibilité de remplir plus facilement les engagements pris avec la clientèle tout en diminuant les stocks, facilités pour conclure des marchés à prix ferme, indépendante vis-à-vis des capitaines dans les moments de presse pour l'affrètement des navires à voiles qui continueraient à être nécessaires, etc.
Les difficultés étaient cependant sérieuses, en particulier en ce qui concerne la nécessité d'obtenir un prompt chargement. A ce sujet, pour les ports à envisager : Blyth, Sunderland, Newcastle, Cardiff, il recueillit les renseignements suivants.
A Blyth, les conditions nautiques et l'outillage ne permettraient pas de charger rapidement en toute sécurité, tant que le dock qu'on s'occupait d'y construire ne serait pas terminé.
A Sunderland, certaines mines accepteraient de charger en deux jours, mais exigeraient un engagement pour une quantité un peu importante et demanderaient une indemnité spéciale.
A Newcastle, un acte du Parlement interdisait aux propriétaires de mines de charger les navires avant leur tour d'inscription sur les livres des mines, et les navires ne pouvaient se faire inscrire qu'autant qu'ils étaient arrivés. Pour tourner la difficulté, plusieurs solutions venaient à l'esprit. 1°- Obtenir la disposition d'un spout spécial, réservé aux navires à hélice, à l'exclusion des navires à voiles : mais l'insuffisance du nombre des spouts ne permettait pas de s'arrêter à cette solution. 2°- Traiter avec des mines disposées à ne vendre leur production charbon qu'à un ou deux clients vis-à-vis desquels elles auraient pris l'engagement de charger immédiatement ; mais d'une manière générale les propriétaires ne se montraient pas disposés à se lier de la sorte, par crainte de perdre leurs autres clients.
A Cardiff, les choses se passaient d'une façon assez arbitraire. Lorsque le port était encombré, les navires restaient parfois sur rade, ceux qui pouvaient montrer un certificat de propriétaire s'engageant à les charger promptement entraient avant leur tour, mais il y était d'usage de laisser entrer de suite les bateaux à vapeur.
Faits encourageants : MM. Nixon, Insole et Powell, avec qui M. Worms avait des relations importantes ; étaient disposés à charger promptement, bien qu'à cette époque la demande dépassât beaucoup l'extraction et qu'il y eût encombrement de navires ; d'autre part, un nouveau dock était en construction et devait donner, une fois achevé, de plus grandes facilités de chargement ; enfin tous les mineurs augmentaient beaucoup leurs moyens de production.
D'une manière générale, il était cependant à prévoir que, dans un laps de temps rapproché, le nombre des "screw-colliers" aurait considérablement augmenté et que de cette augmentation résulteraient de plus grandes difficultés dans le chargement. Si les propriétaires des mines consentaient alors à charger les "screw-colliers' avant les navires à voiles, les armateurs de ces derniers seraient sans doute amenés à demander l'établissement dans tous les ports d'une réglementation semblable à celle de Newcastle. Par contre, si les facilités refusées à Newcastle étaient trouvées ailleurs, le commerce serait en partie déplacé de Newcastle et les propriétaires de cette ville seraient vraisemblablement amenés à pétitionner pour l'abolition de l'acte du Parlement spécial à leur port. Le prompt chargement des "screw-colliers" s'y trouverait alors facilité.
La situation était donc incertaine. Elle faisait apparaître en outre le danger qu'une grande compagnie ou plusieurs petites réunies essayassent de lever la difficulté en achetant une mine à Newcastle et une autre à Cardiff pour l'alimentation de leurs navires à hélice, et on ne chargerait qu'eux, créant ainsi une situation désavantageuse pour les autres armateurs.
De toutes façons, il était urgent de prendre une décision, car il était possible que plus tard l'augmentation du nombre des navires charbonniers à hélice, en provoquant une baisse des taux du fret, diminuât les chances de succès, et que l'abondance des commandes n'entraînât des retards dans Ies constructions.
Sous l'influence, semble-t-il, de ces constatations, M. H. Worms et ses amis décidèrent seulement l'achat de deux navires : un pour Le Havre et un autre pour Rouen. Ils donnèrent alors la préférence à la construction anglaise qu'Ils jugèrent moins coûteuse et plus expérimentée que la construction française. Elle présentait en outre, pour eux, étant donné la législation en vigueur, deux autres avantages : elle leur donnait la possibilité d'affréter, à l'occasion, les navires pour des transports de port anglais à port anglais, dans le cas où ils trouveraient un fret avantageux, circonstance plus fréquente en Angleterre qu'en France, ou lorsque n'en ayant pas l'emploi pour des voyages en France, ils chercheraient à les utiliser ailleurs ; en outre, le jour où ils désireraient revendre leurs navires, ils pourraient le faire en Angleterre à des conditions vraisemblablement plus avantageuses qu'en France.
Entre les quatre chantiers visités par M. Mallet : Scott Russel à Londres, Palmer à Newcastle, Hoby à Glasgow, Samuelson & Co à Hull, ils choisirent ces derniers.
Les chantiers Russel avaient déjà construit 6 à 7 screw-colliers qui avaient tous réussi. Les chantiers Palmer en avaient construit une dizaine. Les uns et les autres en avaient également plusieurs en cours de construction. A Glasgow on construisait déjà énormément de navires à hélice, mais on n'en avait pas encore construit pour le transport des charbons ; la construction y était solide mais onéreuse.
Les chantiers Samuelson n'avaient pas encore construit de screw-colliers, mais leurs directeurs se montraient désireux d'avoir une première commande dans l'espoir d'obtenir plus facilement ensuite d'autres ordres par ailleurs. Leurs conditions parurent les plus avantageuses ; commande leur fut donnée, au mois d'août 1854, pour les deux navires : un pour le compte de la maison Hantier & Mallet et l'autre pour celui de la maison A. Grandchamp, au prix de £ 11.000 chacun(8).
En vue de réaliser l'opération, les deux maisons procédèrent immédiatement à une augmentation de capital et de la participation de M. H. Worms. C'est à cette occasion que la raison sociale de la maison Hantier & Mallet fut changée et devint : "Hantier Fils, Mallet & Cie".

Chemins de fer du Midi
Pour Bordeaux, M. H. Worms différa encore sa décision. Depuis quelque temps, il avait, en effet, entamé avec les Chemins de fer du Midi des négociations qui étaient de nature à influer profondément sur ses projets.
Après un marché, en date de juillet 1854, de quelques centaines de tonnes de coke pour Bordeaux et pour Bayonne, ces négociations aboutirent, au mois de septembre suivant, à un nouvel accord pour 6.000 tonnes, livrables en 6 mois, prévoyant l'emploi de navires à hélice, à titre d'expérience, dès que M. H. Worms aurait réussi à s'en procurer. La faculté était réservée aux Chemins de fer du Midi d'intervenir financièrement pour la location ou l'acquisition de ces navires, soit sous forme d'avance de fonds remboursables sur le fret, soit sous forme de participation.
Les circonstances ne donnèrent pas lieu à l'application de cette dernière clause, mais le 11 novembre 1854, M. H. Worms et M. Émile Pereire, président du Conseil d'administration des Chemins de fer du Midi, jetèrent les bases d'un nouveau contrat, plus important. Un projet plus complet, discuté ensuite entre M. H. Worms et M. Eugène Flachat, prévoyait que M. H. Worms ferait construire à ses frais trois navires à hélice du port de 700 tonneaux chaque. Ces navires devaient être affectés au service des Chemins de fer du Midi, jusqu'à concurrence du transport de 20.000 tonnes de charbon par an, pendant trois ans, mais les Chemins de fer du Midi pourraient en disposer, pendant le temps où ils ne seraient pas employés au transport du charbon, pour des transports de Bordeaux aux côtes françaises ou anglaises, dans le but de développer le trafic de leurs voies ferrées.
L'avant-projet ainsi établi donna lieu encore à de longues discussions entre les services des Chemins de fer du Midi d'une part et M. H. Worms et son agent de Bordeaux d'autre part. Un accord définitif, ratifié par M. Émile Pereire, n'intervint que le 24 février 1856, sur des bases différentes. M. Worms prenait l'engagement de fournir par an, aux Chemins de fer du Midi, à leur choix, 10.000 ou 20.000 tonnes de charbon de Cardiff. La durée du contrat était de 3 années, à partir du 20 juin 1856, avec faculté pour les Chemins de fer du Midi de la porter à 6 années.
Les transports devaient être faits par navires à vapeur ou par navires à voiles, au choix de M. Worms, sans aucune différence dans le prix. Dans le cas où M. Worms utiliserait des navires à hélice, les Chemins de fer du Midi pourraient s'en servir au retour si, leur trafic venant à se développer, ils avaient à transporter des marchandises de Bordeaux à Cardiff. Cette disposition n'avait d'ailleurs d'autre but que de constater un accord de principe, les moyens d'exécution restant à débattre ultérieurement.
Pendant ces longs pourparlers, M. H. Worms avait continué ses recherches pour l'affrètement à temps, à titre d'essai, d'un navire à hélice, avec promesse de vente. Elles répondaient à l'esprit et à la lettre de son contrat de septembre 1854, mais n'aboutirent à aucun résultat : la guerre avec la Russie, ainsi que l'activité économique générale, avaient créé de tels besoins que les navires à hélice étaient presque introuvables ; leur rareté était aggravée par la grande faveur dont ce mode de transport commençait à bénéficier.
Bien qu'un moment il ait eu quelques doutes sur le résultat final de ses négociations avec les Chemins de fer du Midi, il revint à l'idée d'une mise en construction immédiate. Les résultats obtenus par son agent de Bordeaux et plusieurs projets lui laissaient l'espoir d'autres affaires importantes. D'autre part les commandes faites pour le compte de MM. Hantier Mallet & Cie et Grandchamp s'étaient révélées très avantageuses. Ces maisons avaient, en effet, reçu des offres d'achat de leurs navires avant même leur achèvement et avaient trouvé intérêt à s'en défaire et à les remplacer par de nouvelles commandes, malgré le retard qui devait en résulter pour la mise en service(9).
Un moment M. H. Worms eut l'intention de s'associer pour l'opération qu'il envisageait à MM. Samuelson & Co, puis MM. Geo Insole : mais finalement en juin 1855, il commanda pour son compte personnel à MM. Samuelson & Co un navire semblable à ceux en construction pour MM. Hantier Mallet & Cie et pour M. Grandchamp, livrable le 31 décembre suivant. Cette commande fut suivie d'une deuxième peu de temps après, le 20 octobre de la même année, au cours d'un voyage que M. Worms fit en Angleterre pour d'autres projets qu'il étudiait depuis peu de temps et dont la réalisation allait donner plus d'ampleur à l'emploi de navires à hélice. Enfin, au mois de novembre suivant, M. Grandchamp ayant reçu par l'intermédiaire de MM. Samuelson une nouvelle offre avantageuse pour la vente du navire qu'il avait en commande, M. Worms s'en porta acquéreur pour son compte personnel. Il s'assurait ainsi en quelques mois la propriété de trois navires.

Charbons du South Yorkshire - Anglo-French Steam Ship Cy Ltd - Grimsby
Au cours des négociations avec MM. Samuelson & Co, l'attention de M. H. Worms avait été attirée sur les charbons de la région de Hull. Il conçut l'idée d'en entreprendre l'importation en France et de les utiliser comme une arme contre les exigences croissantes des propriétaires de mines d'autres districts.
Au mois de juillet 1855, il demanda à MM. Samuelson & Co de le renseigner sur les conditions auxquelles il serait possible de se procurer ces charbons. Ils lui transmirent l'offre d'une cargaison d'essai et des propositions pour le cas où il pourrait envisager des fournitures assez importantes pour assurer l'utilisation de deux navires pendant plusieurs années, ajoutant que l'opération serait facilitée s'il acceptait de prendre une participation d'un tiers dans chaque bateau. Le chargement serait effectué à Grimsby où, vu le peu d'encombrement, des facilités plus grandes que sur la Tyne pourraient être obtenues. MM. Samuelson & Co se réservaient de lui exposer verbalement, au cours d'un voyage qu'ils comptaient faire prochainement en France, les raisons de cette proposition.
A la suite de l'entretien qu'ils semblent avoir eu effectivement avec lui à ce sujet, ils lui firent expédier à Rouen et à Bordeaux de petits chargements d'essai avec l'aide du Manchester Sheffield & Lincolnshire Railway Cy et ils le mirent au courant de démarches entreprises par eux pour la constitution d'une société anglo-française.
Quelques jours après, M. H. Worms se rendit en Angleterre et fut mis en rapport avec un groupe de personnalités anglaises dont M. Watkin, directeur du Manchester Sheffield & Lincolnshire Railway Cy, désireuses de développer le trafic du port de Grimsby.
Malgré sa situation géographique avantageuse, ce port était resté dans l'oubli jusque vers 1845. Les directeurs du Chemin de fer Manchester Sheffield & Lincolnshire Railway Cy avaient vu vers cette époque une grande utilité au prolongement de leurs voies jusqu'à la mer et l'aménagement d'un port bien outillé. Les propriétaires de mines s'étaient également intéressés à ces projets qui leur paraissaient de nature à leur ouvrir d'importants débouchés. En quelques années, Grimsby fut transformé en un port approprié aux exigences du commerce maritime. C'est alors que naquit l'idée de la constitution d'une société de navigation destinée à donner de la vie au nouveau port, et qu'une offre de participation fut transmise à M. H. Worms par MM. Samuelson & Co.
Les premiers envois de charbon du South Yorkshire ayant donné de bons résultats, M. Worms entreprit d'organiser l'importation de ces combustibles sur une grande échelle et prit immédiatement trois mesures importantes.

Succursale de Grimsby
Il décida d'abord d'établir sa maison à Grimsby et ouvrit dans cette ville, dès le 1er janvier 1856, une succursale qu'il plaça sous la direction de M. André [Henry] Josse, adjoint depuis l'année 1853 au directeur de sa maison de Newcastle.
Compagnie charbonnière du Nord et de l'Ouest réunis
Presque en même temps il créa le 10 janvier 1856, avec ses amis Hantier Mallet & Cie et A. Grandchamp, une société en commandite par actions, la "Compagnie charbonnière du Nord et de l'Ouest réunis", avec raison sociale "Couillard & Cie", du nom du gérant, dans le but d'entreprendre l'importation du charbon anglais sur le marché de Paris. Le capital de la société était fixé à 2.500.000 francs. M. H. Worms était président du Conseil de surveillance. Il pensait utiliser éventuellement les services de la nouvelle société pour de très importantes fournitures que M. C. M. Palmer de Newcastle cherchait à obtenir des compagnies du gaz de Paris et pour lesquelles celui-ci lui avait offert une participation de moitié, mais la vente du charbon du South Yorkshire était l'objet essentiel de la Compagnie charbonnière et M. Worms conclut immédiatement avec elle un arrangement pour la livraison de 12 à 18.000 tonnes pendant 12 mois à Dieppe ou à Rouen.
La modification apportée récemment au tarif douanier français pour les charbons ayant élargi le débouché du charbon anglais en France, les importateurs y voyaient la possibilité de concurrencer les charbons belges, non seulement à Rouen, mais aussi sur le marché parisien. M. Worms et ses amis, MM. Hantier Mallet & Cie et M. Grandchamp, séduits par cette idée, s'étaient décidés à tenter en grand l'expérience(10), en utilisant les charbons du South Yorkshire.

Anglo-French Steam Ship Cy Ltd
Enfin, ayant gagné à ses projets l'adhésion complète de la maison Hantier Mallet & Cie et celle de M. Grandchamp, il constitua avec eux un groupe français pour la création d'une société anglo-française répondant aux vues qui lui avaient été soumises par MM. Samuelson & Cie Ltd. Les pourparlers avec les promoteurs anglais furent menés rapidement. Ils aboutirent dès le 28 novembre 1855 à la signature d'un "Memorandum" of Agreement" ; la société fut enregistrée le 13 mars 1856. Elle était constituée sous le nom de "The Anglo-French Steam Ship Company Limited", au capital de 100.000 Livres, divisé en 10.000 actions. Son siège était à Great Grimsby(11).
Elle avait pour objet statutaire la construction, l'achat et l'affrètement des navires à vapeur ou autres, le commerce et la navigation entre les ports français et les ports anglais, ou toute autre opération s'y rattachant, mais, dans les conventions préliminaires, il avait été précisé qu'un de ses buts serait le développement de l'exportation vers la France des charbons de South Yorkshire et que M. Worms et ses amis feraient tous leurs efforts pour introduire ce charbon sur le marché français et y développer sa consommation. Il avait été convenu en outre :
1°) que M. Worms, M. Grandchamp et MM. Hantier Mallet & Cie souscriraient, réunis, le tiers du capital, soit chacun un peu plus de £ 11.111 ;
2°) que la Compagnie accorderait aux intéressés français la nomination de quatre directeurs sur 10, trois des directeurs devant être M. H. Worms, M. Grandchamp et M. Mallet et le quatrième un Anglais choisi à la pluralité de leurs voix ; leur choix se porta sur M. John Chapman de la maison John Chapman & Cie de Londres ;
3°) que neuf navires à hélice seraient affectés immédiatement par la société au transport des charbons et toutes autres sortes de marchandises, pour toutes destinations, mais qu'un tiers de ces s/s serait réservé au trafic maritime du port de Great Grimsby, à l'exclusion de tout autre du Royaume-Uni et de l'Irlande ;
4°) que M. Worms et ses amis auraient la faculté de vendre à la société, à un prix déterminé d'avance dans les accords préliminaires, trois des navires qu'ils avaient commandés à MM. Samuelson & Cie ;
5°) que M. Worms et ses amis auraient toujours la préférence pour l'affrètement des neuf navires de la Compagnie.
M. Worms convint avec la maison Hantier Mallet & Cie et avec M. Grandchamp que tous les avantages que la Société était tenue de leur accorder seraient divisés entre eux trois en portions égales.

S/S 'Vulture"
Les arrangements conclus avec la Société anglo-française, conformément au but visé par ses promoteurs, ne concernaient que le port de Grimsby et le charbon du Yorkshire. M. H. Worms continua ses recherches en vue de se procurer par ailleurs le moyen d'assurer le transport des fournitures de charbons d'autres provenances qu'il avait à faire à Bordeaux et qui allaient se trouver considérablement accrues du fait, non seulement de son nouveau contrat avec les Chemins de fer du Midi, mais également d'un autre contrat intervenu entre lui et le régisseur de la Traction du chemin de fer de Paris à Orléans, pour la fourniture de 6.000 tonnes échelonnées sur le délai d'un an(12). Il voyait en outre la possibilité d'y développer encore ses affaires avec une organisation plus puissante et d'étendre ses opérations dans la région, notamment à Toulouse et à Angoulême(13).
En combinant l'affrètement avec un achat de charbon, il réussit enfin, en mars 1856, à obtenir la disposition pour 12 mois du navire à hélice s/s "Vulture", pour des transports exclusifs entre Cardiff et Bordeaux. Ce navire quitta Cardiff pour un premier voyage le 11 avril 1856, avec 608 tonnes de charbon ; retardé par un très mauvais temps, il mit 86 heures 30 pour effectuer la traversée, mais put repartir de Bordeaux le 19, sans encourir de surestaries ; il fut de retour avant la fin du mois, à la très grande satisfaction de M. Worms et de son agent.

S/S "Eugénie" - s/s "Victoria" - s/s "Napoléon"
A la même époque les premiers navires construits par MM. Samuelson & Co pour compte de M. Worms et de ses amis MM. Hantier Mallet & Cie et M. Grandchamp furent mis en service. Suivant les accords intervenus dans les conventions préliminaires, l'Anglo-French Steam Ship Cy Ltd avait fait l'acquisition de trois de ces navires : deux de M. H. Worms et un de MM. Hantier Mallet & Cie. Elle les affréta immédiatement pour douze mois : le premier, appelé "Eugénie", à M. Worms ; le deuxième, appelé "Victoria", à M. Grandchamp et le troisième, appelé "Napoléon", à MM. Hantier Mallet & Cie.
Le s/s "Eugénie" quitta Grimsby pour son premier voyage le 12 avril, avec 505 tonnes environ de charbon, à destination de Dieppe. Il arriva devant le port en 36 heures, malgré une violente tempête, mais chassé par elle, il fut obligé d'aller sur la rade du Havre et n'entra dans le port de Dieppe que le 19 avril. A son second voyage, peu de jours après, il effectua la traversée en 33 heures.
Le s/s "Victoria" suivit quelques jours après à destination de Rouen. Le s/s "Napoléon" retardé par des avaries, ne quitta Grimsby que le 5 juillet pour Le Havre. Ces deux navires emportaient également un chargement de charbon.

S/S "Séphora" et s/s "Emma"
Enfin deux navires dont M. Worms avait conservé la propriété, le s/s "Séphora" et le s/s "Emma", à leur tour, furent lancés et entrèrent en service. Le s/s "Séphora" quitta Grimsby le 30 août 1856 pour son premier voyage, avec 672 tonnes de charbon, cargaison et soutes comprises, à destination de Bordeaux où il arriva le 6 septembre. Il est, sinon le premier navire à vapeur qui fut utilisé par M. H. Worms, du moins l'aîné de sa flotte. Il fut suivi, un mois plus tard, par le s/s "Emma" qui entreprit son premier voyage le 1er octobre avec 651 tonnes de charbon, pour Bordeaux également ; moins heureux que le s/s "Séphora", il fut retardé en cours de route par un accident de machine et n'arriva à Pauillac que le 10 octobre.
Enfin vers la même époque, le s/s "Lucien" était mis provisoirement à la disposition de M. Worms par l'Anglo-French Steam Ship Cy Ltd et se rendait également à Bordeaux.

Cabotage
Dès la signature de la charte-partie du s/s "Vulture", M. Worms se préoccupa d'organiser l'exploitation des vapeurs dont il allait avoir la disposition. II ne songeait pas à les utiliser pour les charbons de Newcastle, mais voulait avant tout pourvoir aux besoins de Bordeaux, y lutter contre la concurrence étrangère et réaliser son projet de développer en France la vente du charbon du Yorkshire.
Désireux d'arriver à une diminution du prix du transport et de donner aux voyages de ses navires une régularité et une fréquence qui lui permettraient à la fois d'éviter l'encombrement du charbon dans les ports de débarquement, d'attirer l'attention des consommateurs, et d'obtenir des propriétaires des mines de meilleures conditions en échange des avantages que ceux-ci retireraient d'un enlèvement rapide au port d'embarquement, il s'était décidé à entreprendre conjointement le transport des marchandises diverses, comme complément des cargaisons de charbon et comme fret de retour en Angleterre. Ce projet correspondant au but général de l'Anglo-French Steam Ship Cy Ltd, il comptait, en ce qui concerne le trafic en provenance ou à destination du port de Grimsby, sur l'appui des promoteurs de la société, en particulier sur celui du Manchester Railway. Il désirait d'ailleurs étendre son projet au trafic de Cardiff à Bordeaux et vice-versa, reprenant ainsi l'idée dont le principe avait été posé dans son marché du 24 février 1856 avec les Chemins de fer du Midi.
Hésitant cependant à sortir de sa sphère de négociant en charbons, il songea tout d'abord à faire appel à l'expérience des Messageries impériales pour l'étude et la mise au point de combinaisons de transports.
Dans leurs grandes lignes, ses idées, telles qu'il les exposa à cette société dans une note, datée du 23 décembre 1855, étaient les suivantes :
Les matières premières de Liverpool et les produits manufacturée de Manchester, Sheffield et autres centres importante d'Angleterre, avaient à subir un parcours fort coûteux sur les chemins de fer anglais pour venir s'embarquer sur la côte et se répandre de là sur le continent vers l'Allemagne et la Suisse. De Liverpool et Manchester à Grimsby, le parcours par les chemins de fer était trois fois moins long que jusqu'à Folkestone et aux points environnants, et trois fois moins coûteux. S'il était possible de détourner vers Grimsby les marchandises de Liverpool ou Manchester à destination du nord de l'Europe, il serait aussi possible de les détourner par la même voie à destination de la Méditerranée. Des départs nombreux et réguliers de navires à hélice de Grimsby, assureraient aux Messageries impériales, vers leur centre de Marseille, un afflux de marchandises que celles-ci pourraient distribuer sur tous les points de la Méditerranée. Les produits anglais ne seraient pas les seuls éléments de ce trafic, les navires de Grimsby touchant à Rotterdam, Dunkerque, Dieppe ou Le Havre, rapporteraient à leur point de départ, ou exporteraient directement sur Marseille les produits de la Hollande, de l'Allemagne, des départements du Nord, de la Seine-Inférieure et de Paris. Les produits naturels de tous les points de la Méditerranée, que les Messageries impériales feraient converger vers Marseille, et les produits manufacturés de cette ville, fourniraient un retour avantageux vers la Grande-Bretagne et vers les ports de France.
Plus tard, à la fin du mois de février 1856, lorsqu'il put prévoir l'arrivée prochaine à Dieppe de son premier navire à hélice, il envisagea la possibilité de détourner immédiatement par cette voie une grande partie des transports du Midi, de la Bretagne, du Centre, de Paris et du nord de la France à destination de la Hollande, de Hambourg et de la Baltique. Arrivées à Grimsby, les marchandises y complèteraient, pour ces destinations, le chargement des lignes de vapeurs déjà existantes. M. H. Worms donna alors à sa démarche un caractère plus pressant. Mais les Messageries impériales étaient absorbées à ce moment par des négociations qu'elles poursuivaient avec le gouvernement en vue de la création de services postaux transatlantiques(14), et auxquelles elles attachaient la plus grande importance. Elles ne crûrent pas pouvoir s'intéresser immédiatement au projet de M. Worms, tant que ces négociations ne seraient pas arrivées à une conclusion.
Pressé d'organiser son service pour le transport des charbons et d'éviter le retour de ses navires sur lest, M. H. Worms prit le parti d'agir par lui-même.
Tout d'abord il envisagea l'organisation d'un service de cabotage de Bordeaux à Rouen, ou tout autre point, pour les transports, sur la Hollande, Hambourg, la Baltique, voire même Saint-Pétersbourg, de vins et autres produits du Midi, qui étaient souvent obligés d'attendre une occasion pour compléter un chargement à destination de ces régions. Il pensait pouvoir y ajouter, au Havre, des vins de Champagne et autres denrées. Ces marchandises amenées ensuite par ses navires à Grimsby, y seraient transbordées sur les navires à vapeur reliant ce port avec les régions intéressée.
Il réalisa la première partie de ce programme, après une légère modification, avec le concours de la maison Miège Frères de Dieppe. Il affréta à cette maison son navire "Séphora" pour une, deux ou trois années, au choix de celle-ci, pour des voyages de Bordeaux à Dieppe au retour de ce navire vers l'Angleterre. "Séphora" devait prendre à Bordeaux, pour Dieppe, toutes marchandises non susceptibles de compromettre sa sécurité et continuer ensuite sa route sur Grimsby. M. Worms s'interdisait d'employer, ou de laisser employer, d'autres navires pour faire concurrence à la maison Miège Frères, mais se réservait la faculté de mettre à bord, à chaque voyage, jusqu'à concurrence de 100 tonnes de marchandises de Bordeaux pour Grimsby. Il espérait prendre, en outre, des marchandises à Dieppe soit pour les chemins de fer anglais, soit pour les lignes de navigation à vapeur de Grimsby à destination de l'Angleterre ou de la Baltique. Il s'engageait, par ailleurs, à mettre également le s/s "Emma" à la disposition de Miège Frères. Le contrat d'affrètement fut signé à la fin du mois d'août 1856. Comme son exécution se heurtait à l'interdiction, pour les navires anglais, de faire du cabotage en France, H. Worms décida de faire franciser le s/s "Séphora" et le s/s "Emma", mettant à profit les dispositions d'un décret récent (17 octobre 1855) qui avait fixé, pour le délai d'une année, à 10% de la valeur les droits à l'importation des navires étrangers. Il chargea son agent de Bordeaux de remplir les formalités nécessaires dès le premier voyage de chacun des deux navires et de recruter les équipages.
Le "Séphora" fut alors placé sous le commandement du capitaine Trottel, et le "Emma" sous celui du capitaine Le Magnen. Le "Séphora" commença son service pour MM. Miège Frères à la fin du mois d'octobre 1856 ; le chargement à Bordeaux fut confié à la maison Dumoulin.
En même temps, M. H. Worms envisageait, avec ses amis, MM. Hantier Mallet & Cie et M. A. Grandchamp, la création d'un service entre Grimsby d'une part, et les ports de Dieppe, du Havre et de Rouen, d'autre part, comportant l'utilisation des vapeurs "Eugénie", "Napoléon" et "Victoria". Ses efforts se portèrent tout d'abord sur Le Havre. Il demanda aux Chemins de fer de l'Ouest d'aider à la réalisation de ce projet et leur remit, à la date du 28 juin 1856, des propositions fermes, en son nom personnel et au nom de ses amis, sollicitant, en échange des engagements qu'ils étaient décidés à prendre, l'exécution de quelques travaux au port du Havre et l'établissement de tarifs combinés en accord avec le Chemin de fer de Manchester, accord que M. Watkin, directeur général, était disposé à envisager.
Il ne semble pas que ce projet ait eu de suite, tout au moins au cours de l'année 1856, mais M. Worms n'en poursuivit pas moins sa réalisation.
Dès le début du mois d'août il reçut déjà des demandes de prix pour les fils, tissus, quincaillerie, faïence et porcelaine de Manchester. II obtint bientôt des résultats encourageants, principalement pour le coton en provenance de Liverpool à destination de Rouen. Le s/s "Victoria" et le s/s "Eugénie" purent partir de Grimsby vers la fin du mois d'octobre, le premier avec 650 balles de coton et 352 tonnes de charbon, et le second avec 500 balles de coton et 433 tonnes de charbon. A cette époque, M. Worms avait déjà réussi à détourner vers Grimsby un total de 2 000 balles de coton à destination de Rouen. D'autres affaires étaient également en bonne voie.
Encouragé par ces premiers résultats, il fixa avec M. Grandchamp les bases d'une entente pour l'organisation d'un service régulier entre Grimsby d'une part, Rouen et Dieppe d'autre part au moyen de trois navires, les s/s "Victoria", "Eugénie" et "Albert"(15) avec départs tous les 15 jours de Rouen et tous les 5 jours de Dieppe(16). L'organisation de ce service fut également l'objet de pourparlers avec les Chemins de fer de l'Ouest et aussi, semble-t-il, avec les Chemins de fer de l'Est, en vue d'un accord.
M. Worms reprit alors, également, l'idée de développer les relations maritimes de Bordeaux avec l'Angleterre, relations qu'il avait déjà songé à étendre par le canal de Bristol et Cardiff jusqu'à Liverpool, pour faire bénéficier les produits du midi de la France des facilités que ce dernier port présentait pour atteindre les régions industrielles de l'Angleterre et pour le transit à destination du monde entier. Espérant atteindre ce but par la voie de Grimsby, grâce aux facilités que lui donnait le Chemin de fer de Manchester, il entamait, vers la fin de l'année, des pourparlers avec les Chemins de fer du Midi en vue d'établir des prix de transport complets et directs.

Succursale de Bordeaux
Les difficultés que M. H. Worms eut à surmonter pour la mise au point de son entreprise furent nombreuses. La durée des traversées et les qualités nautiques des navires répondaient aux espérances, la fréquence et la régularité des voyages attirèrent l'attention et provoquèrent une certaine sensation, mais l'exploitation se révéla très onéreuse. La distribution des cales, le mode de lestage par water-ballast étaient défectueux, les appareils de déchargement ne fonctionnaient pas convenablement, l'embarquement et le débarquement effectués dans de mauvaises conditions entraînaient des lenteurs et le bris des charbons. Le tonnage de charbon embarqué était inférieur à celui sur lequel M. H. Worms et ses amis avaient compté.
Dans les ports, il ne trouva pas, au début, toutes les commodités désirables : à Bordeaux le déchargement des gabarres ne s'effectuait pas dans les délais prévus, à Dieppe, les navires ne pouvaient pas toujours entrer dans le bassin en période de morte-eau, l'ingénieur du port se montra cependant très désireux d'améliorer les choses et fit mettre la drague sur les points dangereux dès les premiers voyages du vapeur "Eugénie". A Grimsby, il eut à compter avec des retards dans la livraison et le chargement des charbons, la mauvaise qualité de ceux fournis, les déficits, etc.
Devant les complications qui en résultèrent et devant celles qu'entraînèrent également l'administration de sa flotte, la surveillance des opérations de chargement et de déchargement, la vérification de l'état des navires à leur arrivée, les réparations à effectuer, le contrôle des dépenses, etc., etc., il sentit la nécessité d'avoir à Bordeaux une personne qualifiée pour prendre soin de ses navires. Il songea d'abord à engager un capitaine d'armement, mais décida finalement de prendre en mains l'ensemble de ses opérations dans cette ville. Il y ouvrit le 1er janvier 1857 une succursale placée sous la direction de M. Georges Schacher, qui lui avait été indiqué comme ayant acquis au Havre l'expérience nécessaire. M. Schacher fut accrédité auprès de MM. Gomez-Vaëz et Levylier.

Divers
En octobre 1855, M. Marc Goudchaux, frère de MM. Jules et Michel Goudchaux, dut fermer, pour des raisons de santé, la maison de banque qu'il dirigeait à Londres. La liquidation en fut confiée à son associé, M. Ed. Lazard. M. Marc Goudchaux décéda quelques jours après.
M. H. Worms domicilia alors ses acceptations payables à Londres chez MM. John Chapman & Co, avec lesquels il était déjà en relations suivies et traitait des affaires charbons en participation. Il semble que cette maison ait réussi à obtenir de l'Amirauté britannique des commandes pour l'exécution desquelles elle fit appel aux services de M. H. Worms.
M. John Chapman fut choisi par MM. Worms Mallet et Grandchamp pour représenter avec eux les intérêts français dans l'Anglo-French Steam Ship Cy Ltd.
Au début de l'année 1856, M. Worms estimait que ses expéditions s'élevaient annuellement à 350/400.000 tonnes. Le défaut de qualité ne fit refuser, en 1855, qu'un seul de ses chargements sur plus de 1.000.

Annexe

Rouen, le [...] octobre 1856.
M...
J'ai l'honneur de vous informer que la Compagnie anglo-française de navigation à vapeur, avec le concours de la Compagnie des chemins de fer de Manchester, Sheffield et Lincolnshire, et de M. Hte Worms, de Paris, a établi un service régulier par bateaux à vapeur de Rouen et de Dieppe pour Hull, Manchester, Leith, Liverpool, Glasgow, Édimbourg et tous les principaux points de l'Angleterre et de l'Écosse, par la voie de Grimsby, et que la direction de ce service m'est confiée à Rouen et à Dieppe.
Les départs auront lieu (le temps le permettant) : tous les 15 jours de Rouen, tous les 5 jours de Dieppe. Et vice-versa.
Les bateaux affectés à ce service sont :
Victoria, capitaine Poingdestre, du port de 600 tonneaux.
Eugénie, capitaine Lewis, du port de 600 tonneaux.
Albert, capitaine Larbalestier, du port de 700 tonneaux.
Ces navires sont entièrement neufs, à hélice, d'une marche supérieure et font le trajet de Rouen en 36 heures, et de Dieppe en 28 heures.
Veuillez vous adresser, pour plus amples renseignements :
A Paris MM. Hte Worms, rue Laffitte, 46
            A. Fournier, rue des Marais-Saint-Martin, 62
A Rouen            MM. A. Grandchamp Fils, rue Lenôtre, 23
            G. Smith et Bettencourt, courtiers maritimes
A Dieppe            MM. A. Grandchamp Fils, rue d'Ecosse, 7
            Léon Delarue, courtier maritime
Le tarif du fret est établi sur des bases très modérées ; j'aurai incessamment l'honneur de vous le soumettre.
J'espère que vous voudrez bien m'adresser vos envois, et je vous prie, M..., de vouloir bien agréer mes salutations empressées.
A. Grandchamp Fils

 

(1) En 1852 H. Worms ne donna pas suite à une proposition que lui fit M. Nixon d'acquérir une mine du Pays de Galles qui allait être mise en vente.

(2) D'après les renseignements fournis à M. Worms par un de ses correspondants de San Francisco, l'importation des charbons s'y était élevée en 1853 à 96.469 T. dont 52.783 en provenance d'Angleterre.

(3) Les navires à vapeur qui fréquentaient les ports de l'Océan Pacifique faisaient peu à peu adapter leurs chaudières à l'usage de l'anthracite. D'autre part, on mit en exploitation vers cette époque des mines de charbon dans la région du Pujet Sound.

(4) C'est le 27 mars que fut annoncé l'état de guerre avec la Russie.

(5) Ministre de la Marine.

(6) L'ouverture du tronçon Poitiers/Angoulême fut faite le 18 juillet 1853 ; celles des tronçons Lamothe à Dax et Dax à Bayonne, qui achevaient la liaison directe Paris/ Bayonne, eut lieu, respectivement, le 12 novembre 1854 et le 26 mars 1855. Elle fut suivie, le 26 mai 1855, par celle de la ligne Bordeaux/Langon.

(7) Dans sa correspondance, M. H. Worms emploie le vocable "un hélice". On disait également à l'époque un "hélicier".

(8) Les principales caractéristiques prévues étaient, en mesures anglaises : long. 175 pieds, larg. 25 pieds,3, capacité d'arrimage 24.140 pieds cubés, soit environ 610 tonnes françaises de marchandises générales ou 700 tonnes de charbon. Force : 80 cvx, vitesse 9 nœuds.

(9) Au Havre le bassin de la Floride n'était d'ailleurs pas suffisamment prêt pour permettre son utilisation par le navire de M. Hantier Mallet & Cie.

(10) Cette idée suscita vers la même époque d'autres initiatives. Au mois de juin 1856, la presse de Newcastle annonça la création d'une autre société, ayant pour objet la fourniture de charbons anglais à Paris et dans la Vallée de la Seine, et le transport maritime de marchandises, sous la raison sociale "Ernest de Causans & Cie", au capital de 20 millions de francs. Le Conseil de surveillance comprenait plusieurs personnalités anglaises, dont les propriétaires de mines de Newcastle et de Northumberland, et des personnalités françaises parmi lesquelles le duc de la Rochefoucault de Doudeauville et le comte de Durfort Civrac de Lorge. Les agents pour la vente à Paris étaient MM. Dehaynin (Père & Fils). II semble qu'un moment M. Dehaynin ait eu l'intention de se rattacher à la société G. Couillard & Cie, vers le mois d'août 1856.
On peut citer également la Compagnie parisienne des charbons anglais, pour les approvisionnements français en houille anglaise et pour le transport outre-Manche des marchandises françaises, société en commandite au capital de F. 4.000.000, avec raison sociale : "H. Bernot & Cie", du nom du gérant, M. H. Bernot de Charant, ancien directeur de deux usines à gaz éclairant les faubourgs de Paris.

(11) Le R.H. comte de Yarborough fut nommé président du Bureau des directeurs.

(12) Le Chemin de fer de Paris à Orléans et du Centre avait confié à une entreprise privée, à titre de régie intéressée, à partir du 1er janvier 1853, le service de la traction sur tout son réseau et le service de l'entretien de tout le matériel circulant ayant appartenu aux quatre compagnies d'Orléans, du Centre, de Bordeaux et de Nantes.

(13) De différents côtés on voyait naître des projets de création de lignes de navigation à vapeur faisant escale à Bordeaux.

(14) Après la guerre de Crimée, les Messageries impériales étendirent leur activité dans la direction de l'Amérique du Sud. La loi du 17 juin 1857 décida l'établissement d'un triple réseau postal subventionné sur l'Océan Atlantique ; les Messageries impériales obtinrent la concession du réseau sud s'étendant du Congo au Sénégal, au Brésil et à la Plata.

(15) Ce navire est le cinquième de ceux qui furent lancée pour compte de l'AngIo French SS Cy Ltd. . A. Grandchamp le prit en affrètement.

Après l'"Eugénie", le "Victoria" et le "Napoléon" venait, quatrième en date, le "Lucien" qui fut également affrété à M. Worms à titre provisoire. Après l'"Albert" devaient être lancés le "Barnsley" et l'"Ernestine".

(16) Voir en annexe la copie d'une circulaire en date d'octobre 1856, se rapportant à ce service ; elle ne paraît pas cependant avoir reçu, à l'époque, l'approbation de M. H. Worms, qui se préoccupait de voir compris dans la publicité entreprise à ce sujet, ses navires "Séphora" et "Emma".
 

 

 

 

 

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