1851.05.31.A Bravet Oncle.Marseille
Origine : Copie de lettres à la presse n°22 - du 18 mai 1851 au 10 juillet 1851 - page 368
Monsieur Bravet Oncle
Marseille
Je reçois à la fois vos deux lettres du 27 et 28 courant. Je commence par répondre à la dernière.
Je ne comprends pas, je I'avoue, ce qui, dans ma lettre du 25 courant, a pu heurter si fortement votre susceptibilité. Je vous prie de la relire avec calme et sang froid, et je crois que vous conviendrez qu'elle ne contient rien qui pût vous blesser comme atteinte à votre délicatesse.
Cette lettre, que je relie moi-même attentivement, vous déclare que je ne vous en veux nullement, que je suis convaincu que vous avez agi en conscience, de votre bonne foi évidente pour moi et vous trouvez là des insinuations blessantes. Je vous le répète, je n'y comprends rien.
Je veux maintenant vous expliquer bien clairement quelles ont été et sont encore mes intentions dans cette fâcheuse affaire.
J'avais pris mon parti du mauvais prix tiré de mon charbon et, dans ma lettre du 22 mai, j'approuvais sans restriction tous vos actes, convaincu que M. Vincent n'aurait pas profité de mes charbons. Jusque là tout est bien, mais votre lettre du 22 m'apprend que, contrairement à sa promesse, M. Vincent a livré ces charbons aux Postes. Dès lors, comme je vous l'écrivais, la position change du tout au tout. Je reste parfaitement convaincu de la bonne foi de mon mandataire, et je le lui écris ; mais sa bonne foi à lui a été surprise. Mon intention et mon ordre formel ont été escamotés, non par lui, mais par l'acheteur et aussitôt, pour couvrir mon intérêt et mon amour propre, je me décide à intenter une action.
Remarquez que c'est le dimanche que j'ai reçu et répondu à votre lettre. Je n'avais pas alors eu le temps de consulter mon conseil habituel et ne sachant comment arriver à M. Vincent, avec lequel je n'avais pas traité, je disais à M. Bravet : "J'attaquerai mon mandataire, qui appellera en garantie l'acheteur, M. Vincent."
C'est dans [...] contre M. Vincent, et non contre M. Bravet que je voulais et que je veux encore agir. Relisez attentivement ma lettre du 25 et vous verrez clairement que telle est mon intention.
Mais, depuis j'ai vu mon conseil et il me fait observer que je puis attaquer directement M. Vincent car le marché du courtier est fait en mon nom. Aussi vais-je attaquer M. Vincent, mais il me faut en même temps attaquer aussi M. Bravet. M. Vincent n'a pas tenu la promesse qu'il vous avait faite de mettre en magasin, promesse qui était sans doute une condition de votre acquiescement au marché. Je ne veux pas que M. Vincent vous ait trompé et m'ait escamoté mon charbon impunément. Le Tribunal en décidera, et ma conscience et mon conseil me disent que j'ai le bon droit de mon côté et que j'obtiendrai gain de cause.
Ces explications suffiront à vous faire comprendre que rien dans ma conduite, pas plus que dans ma correspondance, ne pouvait vous choquer, et que je n'ai en rien attaqué votre délicatesse. Vous conviendrez, j'espère, que vous avez été beaucoup trop susceptible, et l'affaire peut suivre son cours régulier devant le Tribunal, sans que la moindre atteinte puisse être portée à votre délicatesse.
Quant à ce qui est d'abandonner subitement mes intérêts pour les autres chargements, dont vous avez reçu de moi les documents, vous ne devez pas le faire, quand vous aurez lu ce qui précède. D'une part, vous avez accepté ce mandat, et d'autre part, vous comprenez que ce serait me créer à plaisir un embarras grave et dangereux pour moi. Vous voudrez donc bien conserver les documents et la direction de l'affaire, et malgré les désagréments passés, et malgré l'irritation mal fondée selon moi que témoigne votre dernière lettre, je ne fais aucun doute que vous défendrez mes intérêts pour le mieux, et comme si rien n'avait eu lieu de fâcheux jusqu'à présent.
Veuillez donc, je vous prie, continuer vos démarches pour, suivant mes instructions, tirer le meilleur parti possible des chargements de "Ludavie" et "Celia" et j'espère encore que vous pourrez m'aider à prendre une bonne revanche sur M. Vincent.
Pour le surplus, comme pour la suite de mon action devant le Tribunal de votre ville, mon représentant, M. Rosseeuw, sera, je pense, à Marseille du 8 au 10 juin, il s'entendra avec vous du contenu de votre lettre du 28 courant.
Recevez Monsieur, mes sincères salutations.
Les assignations pour vous et M. Vincent ne pourront partir que lundi prochain.