1850.08.18.Au procureur de la République.Le Havre
Origine : Copie de lettres à la presse n°15 - du 31 juillet 1850 au 13 septembre 1850 - page 265
Paris, le 18 août 1850
Monsieur le procureur de la République au Havre
Monsieur le procureur de la République au Havre
Une lettre que je reçois ce matin même m'oblige à recourir à votre justice. Veuillez, je vous prie, lire avec bienveillance ce que j'ai l'honneur de vous écrire.
Voilà quinze mois environ que j'ai formé au Havre un établissement qui fournit à la vente de la houille. Entre autres fournitures je livrais à deux bateaux remorqueurs, le "Rouen" et le "Rouennais", tous deux appartenant à la Compagnie des remorqueurs de la Seine, la Rouennaise.
Depuis quelque temps, j'apprenais que des bruits calomnieux se répandaient sur la qualité de la marchandise ou sur la quantité même de la marchandise livrée par moi. D'autres rumeurs non moins diffamatoires arrivaient à mes oreilles. Le capitaine du "Rouen" se plaignait, tandis que celui du "Rouennais" était satisfait de mes livraisons. Je ne doutais pas de la source de ces bruits. Mon commerce est venu faire une loyale et vive concurrence au monopole qu'avaient exercé jusqu'alors Messieurs Hantier & Martin. Une baisse de prix extraordinaire a d'abord voulu frapper mon industrie, la calomnie est venue ensuite. II m'était pourtant bien difficile de l'établir. Une circonstance grave me met sur la trace et je la saisis avec empressement.
Le directeur de la Compagnie des remorqueurs de la Seine, Monsieur Fontaine, a cessé de me demander la fourniture du "Rouen", tandis que je continue à servir le "Rouennais". J'ai voulu connaître le motif de cet abandon, qui profite à Messieurs Hantier & Martin. J'apprends aujourd'hui que le capitaine du "Rouen" a déclaré à M. Fontaine que je le vole sur mes livraisons, que je mets un double fond ou un poids quelconque à ma mesurée, et que je force ainsi le poids sur chaque pesée.
Cette accusation m'impute un délit grave, puni par le Code pénal et que la dernière loi électorale flétrit plus fortement encore. J'ai besoin que cette indigne inculpation s'évanouisse et je m'adresse à votre autorité protectrice de l'honneur de tous.
Le capitaine du "Rouen" et Monsieur Fontaine appelés devant vous, diront, j'en suis certain, d'où provient cette calomnie, vous en connaîtrez bientôt le véritable auteur ou bien vous aurez la preuve de l'imputation portée contre moi.
Dans ce dernier cas, la justice veut une punition contre mon agent, coupable de la fraude et contre moi complice par les ordres que j'aurais donnés. Je repousse avec la plus vive indignation cette supposition odieuse et, en mon nom et au nom de M. Mallet, mon agent, dont la conduite est aussi honnête que son nom est honorable dans le commerce, il est le neveu de Messieurs Mallet Frères.
Si au contraire, vous demeurez certain de la calomnie et si, comme je n'en doute pas, vous recevez des témoignages ou des déclarations le nom du calomniateur, votre justice se joindra à ma demande pour obtenir une punition exemplaire contre tant de lâcheté.
J'ose donc espérer, Monsieur, que vous aurez la bonté de faire appeler devant vous le capitaine du "Rouen" et Monsieur Fontaine dont les réponses suffiront à l'éclaircissement de cette affaire.
Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de mon respect.
H. Worms
46, rue Laffitte