1991.00.De Gabrielle Cadier-Rey - Université Paris IV.Article
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Worms et la guerre de Crimée
La Guerre de Crimée (mars 1854-fin 1855) eut une influence déterminante sur l'évolution des flottes de guerre. Elle démontra la supériorité de la vapeur sur la voile et, par l'utilisation des premières bombardes flottantes, annonça la construction des navires cuirassés. Les escadres constituées pour une bonne part des traditionnels vaisseaux à voiles à trois ponts virent le rôle de ceux-ci réduit à n'être plus que des porte-canons dûment remorqués, alors que la vapeur permettait les rotations rapides entre les lieux de combat et les centres d'approvisionnement ainsi qu'en retour l'évacuation des malades et blessés. Dès le 1er janvier 1857, cet état de fait fut sanctionné par une loi : « tout navire non pourvu de machines cesserait d'être considéré comme navire de guerre ». Un programme de constructions navales d'une exceptionnelle ampleur en fut la suite logique : de 1857 à 1870, l'État impérial dépensa davantage pour sa Marine que pour l'Armée de Terre. Montrer ainsi la supériorité de la vapeur en ce qui concerne la Marine de combat et celle des transports, la militaire et la commerciale (telles les Messageries impériales dont le rôle fut primordial pendant cette guerre) amène à poser le problème de l'approvisionnement en charbons. On sait que la production française était déjà insuffisante pour les besoins nationaux et que les chaudières, bien que peu puissantes, consommaient beaucoup. II fallut donc importer et le ministre de la Marine fit appel à ses fournisseurs attitrés dont Hypolite Worms pour que celui-ci pût écrire à la fin de 1854 : « J'ai fourni cette année à nos escadres du Levant et de la Baltique la presque totalité de leur charbon », cela supposait une intense activité. Le dépouillement des Livres de la Maison laisse à penser qu'elle livra chaque année de guerre 100 à 120.000 tonnes. Bien implantés sur les places de Cardiff et de Newcastle, les deux principaux centres charbonniers d'exportation anglais. sa Maison était l'acheteur régulier de mines bien précises, mais elle dépendait des armateurs.
En cette époque de guerre et d'intenses besoins, les difficultés venaient surtout du manque de navires : où trouver tous les affrètements nécessaires pour le transport de ce charbon ? et les cours de ces frets montaient sans cesses d’autant qu’il n'y avait guère de fret de retour dans ce Moyen-Orient en guerre. Un fait montre le rôle éminent d’Hypolite Worms : l'accord conclu à Londres avec [Gillipsy], le fournisseur de charbon de l'Amirauté, une entente de cartel pour se partager les possibilités d'affrètement sans se faire une concurrence ruineuse.
La Maison Worms n'avait pas six ans quand la Guerre de Crimée éclata. Cela lui donna une nouvelle impulsion : la troisième succursale, celle de Grimsby fut ouverte, avec des prises de participation dans deux sociétés locales : ferroviaire et charbonnière. Mais surtout elle passa du négoce à l'armement maritime. Désormais Worms ne dépendrait plus des exigences des armateurs et son pavillon flotterait sur toutes les mers du monde.
Gabrielle Cadier - Rey