1956.00.De Michel Eloy - Revue de la Porte océane.Le Havre.Article
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Worms & Cie
Sans faste, car l'époque ne s'y prêtait guère encore, l'armement Worms et Cie a célébré son centenaire en 1948. Les Havrais d'aujourd'hui, trop habitués sans doute à en recevoir depuis longtemps les navires, ignorent pour la plupart que l'origine du vieil armement se situe non sur la Seine mais dans la métropole girondine.
Laissons à Jacques de Saint Denis, Commandant de port à Caen et chroniqueur maritime de talent, le soin d'évoquer les débuts d'une firme dont le premier rameau généalogique prit corps dans une maison de commerce.
« Basée sur le trafic des charbons, l'entreprise fut tout naturellement amenée à s'engager de suite dans les affaires maritimes. De fait, elle s'occupe d'affrètements à l'époque de la guerre de Crimée pour le transport de la houille nécessaire au corps expéditionnaire de Mer Noire. En 1857, la ligne de Grimsby était créée avec Bordeaux, Rouen, Le Havre et Dieppe comme débouchés en France.
Un peu de tramping sur Hambourg, Copenhague et Cronstadt ouvrit des horizons à Worms et Cie qui, en 1859, établirent des services réguliers entre Bordeaux et Hambourg, ligne de cabotage qui resta de tout temps prospère, Le Havre étant d'ailleurs venu bientôt s'intercaler dans cet itinéraire.
A la même époque, une agence s'installa à Marseille et, dix ans plus tard, des établissements Worms commencèrent à fonctionner à Alger et à Port-Saïd d'où, en 1873, une ligne de navigation était lancée (elle fut reprise après la dernière guerre), tandis que dans le nord, Anvers entrait dans l'orbite du champ d'action. »
Quelques années après la fondation de la Maison Worms, s'était créé au Havre en 1856 un armement qui devait plus tard unir son destin à celui de son aîné, la firme Mallet et Hantier, laquelle fusionna par étapes de 1881 à 1885 avec Worms et Cie. Cette fusion était en fait l'absorption de Mallet et Hantier par l'armement bordelais qui devait d'ailleurs, à cette époque, transférer son siège au Havre.
Toutefois, dans notre port, des expressions populaires comme « la Mallet du Nord » (le cargo Worms de la ligne d'Anvers) ou « la Mallet d'Hambourg » demeurèrent très longtemps d'usage courant.
Petit à petit, la Maison Worms étendit son réseau de cabotage aussi bien vers l'Algérie (ligne du vin) que vers la Baltique et l'Écosse. Elle développait également ses transports au tramping. En 1930, elle apparaissait dans le domaine du long cours, engageant des intérêts considérables dans la Nouvelle Compagnie havraise péninsulaire (Nochap) qui désormais fit partie de son groupe. Worms prospérait non seulement par ses départements « Charbons » et « Navigation », mais aussi par ses antennes « Banque » et « Constructions navales ». Ses chantiers, créés au Trait sur la Seine Maritime, ont toujours été renommés pour la perfection de leurs produits. Ils travaillent aussi bien au bénéfice des armements français qu'étrangers et les plus récentes unités de la Nochap y ont été mises à l'eau.
A la veille de la guerre, Worms et Ce prit une part substantielle dans la Société française de transports pétroliers qui venait de se fonder. Sa propre flotte comprenait 24 vapeurs baptisés d'après une tradition déjà ancienne des noms de grands crus du Bordelais ou de sites remarquables de la Seine maritime.
Elle possède aujourd'hui 14 navires, tous, sauf un, postérieurs à la guerre. La moitié d'entre eux opèrent en Méditerranée où la Maison Worms a trouvé des compensations à l'amenuisement des échanges entre la France et la Scandinavie et au déclin du tramping.
Le Havre où Worms et Cie, dont le siège social est maintenant fixé à Paris, possède une agence et ses propres ateliers, demeure le port d'attache de tous les navires de l'armement. Du point de vue commercial, notre port est une escale Worms sur les itinéraires Algérie-Anvers et Bordeaux-Hambourg régulièrement desservis par les "Château-Palmer", "Château-Lafite", "Château-Pétrus", "Cantenac", "Fronsac" et "Mérignac". La vieille maison s'adapte sans cesse aux goûts et aux possibilités du moment. C'est une marque de jeunesse qui lui va fort bien.
« Born 1848, still going strong », dirait d'elle nos amis britanniques, lui prêtant à juste titre certain slogan fameux.
Michel Eloy