1914.12.16.De Worms et Cie Le Havre
Le Havre, le 16 décembre 1914
Messieurs Worms & Cie - Paris
Messieurs,
Nous vous confirmons notre lettre d'hier.
Navires en cours. Nous avons terminé "Cymrian" hier sans surestaries.
"John-O'Scott" et situation des déchargements. Nous vous avons parlé de ce vapeur dont les surestaries commenceront après-demain, vendredi, à 4 heures de l'après-midi. Nous avons demandé pour lui 400 tonnes de wagons qui auraient dû nous être fournies à partir d'hier et que nous attendons toujours bien que nous ayons eu la précaution d'écrire à la gare dès que nous avons eu connaissance du départ de ce steamer, en lui donnant la liste détaillée par gare du matériel qui nous était nécessaire.
Comme nous manquons de chevaux dans une proportion qui dépasse les prévisions les plus pessimistes, et qu'en dehors des 400 tonnes ou environ - car de nouveaux ordres sont survenus depuis - que nous avons à mettre sur wagons nous avons à rentrer simultanément 1.250/1.300 tonnes en chantier puisqu'il s'agit de charbon pour foyer domestique pour notre clientèle locale, nous ne pouvons travailler qu'avec une grue et 5 chevaux au lieu de 12 ou 15. II s'ensuit que dans la matinée, alors qu'avec des wagons nous aurions pu décharger, même dans ces mêmes conditions, environ 600 tonnes, nous avons chargé sur banneaux 80 tonnes, et nous ne pouvons pas mettre à terre puisque dans deux jours "Duke-of-Cornwall" pourra être ici, et qu'il faut réserver la place pour les screenings qu'il nous apporte et une partie de son chargement de tout venant que bien certainement nous ne pourrons pas mettre directement sur wagons pendant sa présence.
L'inspecteur, chef du service des gares, qui ne nous écrit jamais une lettre, se contente de nous répondre par téléphone ou lorsque nous allons le voir, qu'il fait l'impossible, qu'on ne lui envoie pas les wagons qu'il demande, et qu'il est absolument privé de la possibilité de nous donner satisfaction.
Nous marchons aux difficultés les plus sérieuses car les neuf vapeurs que nous avons à recevoir depuis "Duke-of-Cornwall" jusqu'à "Hedworth" à la fin du mois représentent en chiffres ronds 13.000 tonnes ; déjà le retard de plusieurs de ces navires a accumulé sur la fin du mois des cargaisons que nous aurions dû recevoir plus tôt, et si nous n'avons pas pour chaque arrivage les wagons qui vont nous être nécessaires nous risquons d'avoir un chiffre de surestaries considérable. Pour tâcher qu'on s'occupe un peu de nous en haut-lieu, vous avez bien voulu décider de faire une démarche auprès de M. Fouan, nous croyons même que vous aurez profité de la présence de M. Majoux qui le connaît mieux, pour lui demander de s'en charger. Nous attendons des nouvelles, et surtout les résultats.
Vous pouvez penser que nous avons fait ici tout ce qu'il était indiqué de tenter pour obtenir une amélioration, et nous sommes profondément découragés de voir que toutes les autorités qui nous accablent de demandes de renseignements, de statistiques, de déclarations journalières, etc., ne peuvent pas arriver à aboutir à cette solution, cependant simple, puisqu'on dit que le matériel abonde dans bien des gares de triage sur la ligne de Paris, de faire affluer tous les jours un grand nombre de wagons vides et assurer par le nombre de manoeuvres nécessaires l'enlèvement des wagons pleins et leur remplacement par ce matériel prêt a charger.
A côté de cette situation qui concerne les arrivages, il y a celle relative à l'exécution des ordres de chantiers et notamment de la briquette ; nous ne pouvons plus prendre de commandes ni exécuter les ordres déjà fort anciens parce que, lorsqu'il est question de faire ce que nous appelons des wagons de chantiers, c'est l'impossibilité complète en dehors du dimanche matin. A cela vient se greffer le nombre de chevaux et d'hommes qui ne concerne plus le chemin de fer de l'Etat. Nous avions toujours prévu que la présence de la base anglaise avec ses moyens brutaux consistant à payer des prix ridicules : F 11 aux ouvriers, F 20 pour des chevaux, nous mettrait bien vite dans le désarroi où nous sommes. La réalité dépasse ce que nous avions redouté, car il n'est plus question de prix aujourd'hui, le mauvais effet produit par la surenchère des tarifs et des salaires existe en plein et malgré cela on ne trouve plus le moyen de faire de charrois puisque tous les charretiers sont partis.
On évalue paraît-il à environ 600 le nombre qui fait défaut depuis quelques semaines, les petits camionneurs que nous employions cherchent à se défaire de leurs chevaux parce qu'ils n'ont plus personne pour les conduire.
Ordres à venir. Vous nous avez annoncé l'affrètement de "Carnbrea", portant environ 2.000 tonnes qui doit être prêt aujourd'hui et pourra partir dimanche. Votre Maison a dû payer 13/-.
Nous espérons que ce navire prendra au moins 1.000 tonnes de tout venant et le solde de sa cargaison se composera de screenings et de menus.
Nous avons également noté l'affrètement de "Ockland-Castle" de 1.350 T au fret de 12/9.
Nous ignorons la répartition des cales de ce navire.
Nous aimerions qu'il puisse prendre environ 800 tonnes de tout venant et 500 tonnes de charbons pour fabrication dont par exemple 300 T screenings et 200 T de GN washed duffs, ou s'il n'y a pas de screenings, 300 T de Lewis Merthyr, et dans ce cas pas de duffs, les duffs ne pouvant aller dans la même cale qu'avec des screenings.
Vous nous avez dit qu'"Ocklan-Castle" était en route de Cherbourg pour Cardiff et que vous pensiez qu'il ne pourra charger et être expédié qu'au début de la semaine prochaine. Nous voudrions bien qu'il ne parte pas de Cardiff avant mardi prochain, et cependant nous ne pouvons, puisque nous avons la perspective de surestaries, faire le sacrifice d'un grand nombre d'heures au chargement. Si ce navire est déjà en cours de traversée de Cherbourg pour Cardiff nous avons cependant bien peur qu'il soit prêt à charger dès samedi.
Clientèle. Nous avons fait au maire d'Epinal une proposition pour 260 tonnes de charbon de Newcastle tel quel à expédier à l'arrivée du prochain "John-O'Scott". Nous n'avons pas encore la réponse du maire, mais déjà nous avons du ministère du Commerce un télégramme officiel constituant pour nous l'autorisation de faire cette expédition. Nous attendons maintenant une communication directe de cette municipalité.
Le Nickel. Nous avons reçu la charte-partie de "Roskva" que nous transmettons à M. Menvielle.
Lorsque nous vous avons téléphoné vous ne saviez pas encore si l'option du garage de Graville était accordée par les armateurs et à quelles conditions.
Gros Lockets. Vous venez de nous dire dans le courant de l'après-midi que vous aviez avis de votre Maison de Cardiff que la quantité de ce charbon qui va nous venir par "Duke-of-Cornwall" ne serait que 400 tonnes au lieu de 500 tonnes que nous escomptions en pensant que ce charbon serait mis dans la cale N°1 de ce vapeur qui est de cette contenance.
Delaunay-Belleville. Le chaland "Gladiateur" a été terminé hier soir. Il a pris une quantité moindre que celle que nous pensions car il n'a chargé que 256.790 kilos. Nous en avons fait la remarque à la Compagnie La Seine qui pense que trompé par le mauvais temps à la fin de l'embarquement qui rendait la surface du Bassin Vauban très agitée, le marinier aura eu peur et aura arrêté le chargement un peu trop tôt.
Vous avez bien voulu prévenir nos clients MM. Delaunay-Belleville, du très prochain départ de ce chaland. Il a quitté Le Havre vers midi, nous nous occupons d'obtenir de la compagnie La Seine le récépissé habituel que nous vous transmettrons pour que vous puissiez à votre tour l'adresser à MM. D. B.
Factures. Inclus copie de la facture que nous adressons à MM. P. Perdrieux & Fils, s'élevant à F 13.833.40, qui va faire de leur part l'objet d'un très prompt versement.
Veuillez agréer, Messieurs, nos salutations empressées.
[Signature illisible]