1947.05.16.De Hypolite Worms.A J. de Grandmaison.Paris

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16 mai 1947
Maître de Grandmaison,
avocat 87, Boulevard Raspail - Paris

Cher Maître,
J'ai réfléchi à notre conversation de mardi. Vous m'avez dit que les Norvégiens, faisant des calculs savants basés sur les plus hauts frets enregistrés pendant la guerre, réclamaient au gouvernaient français plusieurs millions de Livres Sterling et un nombre encore plus imposant de millions de dollars.
Je me permets d'attirer votre attention sur cet aspect du problème que le temps ne m'a pas permis de développer devant vous.
De quoi se plaignent les Norvégiens ?
Que, contrairement aux engagements pris par le gouvernement français, un certain nombre de leurs bateaux - 26 je crois - ont été retenus dans des ports nord-africains au lieu d'être relâchés vers un port britannique où ils devaient être pris an charge par le gouvernement anglais, qui prenait la suite du gouvernement français dans tous ses engagements.
Que peuvent-ils réclamer ?
La réparation des pertes subies de ce fait ou la compensation des bénéfices dont ils ont été frustrés ; et c'est l'objet de ma lettre.
Si les 26 navires norvégiens en question avaient pu quitter les ports français et rejoindre un port britannique, le contrat qui les liait au gouvernement français aurait été automatiquement transféré au gouvernement britannique, comme pour tous les autres navires norvégiens, grecs, suédois ou hollandais - et il y en avait au total 1.900.300 tonnes - conformément aux accords signés par moi à Londres le 4 juillet 1940.
Le régime auquel ils auraient été soumis était celui de l'accord norvégien signé par les deux gouvernements quelques mois plus tôt.
Ce régime était celui d'un Time-Charter classique établi pour la durée de la guerre, à un taux de fret déterminé, le gouvernement affréteur payant, en outre, l'assurance contre les risques de guerre (couverts par le War Risks Insurance Committee) pour une valeur qui était inscrite au contrat d'affrètement, et qui avait été préalablement fixée par ledit War Risks Insurance Committee.
Or, pour tous les navires neutres affrétés par les Alliés - et cela s'applique aussi bien aux grecs et aux suédois qu'aux norvégiens - les taux de fret de tous ces navires, ainsi que leur valeur d'assurance, étaient établis en livres sterling.
Par conséquent, si les 26 navires norvégiens avaient continué à travailler pour l'Angleterre, ils auraient été payés, de même qu'assurés, en Livres Sterling, comme lorsqu'ils naviguaient pour la France, et le manque à gagner - si la compensation doit être payée par le gouvernement français - ne peut être qu'évalué en Sterling. Il ne peut pas être question de dollars.
Là Marine marchande possède certainement des copies de l'accord général couvrant la flotte norvégienne, de même que ses services de Londres ont dû conserver copie des Time-Charters individuels, et tout ce qui a pu se passer - ce qu'il est facile de vérifier - c'est qu'entre 1940 et 1945, les taux de fret, ou les valeurs d'assurance aient été quelque peu augmentés, mais sûrement toujours en Sterling.
En outre, les taux de fret s'appliquaient pour un affrètement en Time-Charter, ce n'est donc pas sur ces chiffres-là que les Norvégiens peuvent baser leurs réclamations, mais uniquement sur la différence entre eux et le coût d'exploitation de leurs navires qui auraient continué à naviguer, c'est-à-dire simplement le manque à gagner.
Je m'excuse de la longueur de cette lettre, mais j'ai pensé que les points soulevés étaient de nature à présenter quelque intérêt pour vous.
Veuillez, agréer, Cher Maître, l'expression de mes sentiments les meilleurs et très dévoués.


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