1940.12.16.De Charles Dieudonné - La France au Travail.Article
NB : Cet article provient d'un recueil de coupures de presse datées du 17 octobre 1940 au 21 décembre 1941, qui est classé au 17 octobre 1940.
La France au Travail
16 décembre 1940
Qui trompe-t-on ici ?
Nous savons - un volumineux courrier l'atteste - que les meilleurs d'entre les Français, qui ont su méditer les leçons de la guerre, sont tous partisans d'une collaboration loyale et appellent de tous leurs vux cette révolution dont le premier effet sera la victoire du Travail sur l'Argent.
Mais nous savons aussi que cette collaboration franco-allemande est aujourd'hui sournoisement sabotée et que la révolution d'un peuple trop longtemps bafoué risque de n'être plus, si on laisse les intrigants et les roublards agir à leur guise, que la révolution de la Pantoufle et du Rond-de-cuir.
De la partie qui se joue dépend l'avenir du pays. Il faut évincer les tricheurs.
On abuse des lois et des règlements. Les mesures de salut public sont étudiées et codifiées par une foule de juristes subtils. Rien n'est laissé au hasard. On a tout prévu et tout pesé. L'État est pareil à une patiente "araignée". II noue, jrenoue et entrecroise les fils d'une organisation minutieuse. Mais c'est là une vaine besogne. Les mauvaises passions des hommes passent toujours au travers.
C'est l'esprit public qu'il convient de changer. Et comment changerait-il ? Nous vivons dans l'illusion et le mensonge.
On a mis en congé les parlementaires. Mais le parlementarisme subsiste. Notre politique est encore livrée aux caprices des clans. Hors de l'hémicycle, les démagogues sont à la recherche d'une majorité. On complote contre celui-ci ou celui-là. II serait ridicule de croire que les "honorables" ont renoncé à leurs chères habitudes. Le jeu des savants dosages continue. Et l'on abat plus de vilaine besogne dans les conciliabules secrets que naguère dans les séances du Palais Bourbon.
On a fermé les Loges et les braves gens s'en réjouissent. L'exposition antimaçonnique, dont Jacques de Lesdain a eu l'heureuse initiative et qui a trouvé l'appui des autorités allemandes, a montré aux braves gens le ridicule et l'odieux des sociétés secrètes.
Mais les Francs-Maçons survivent à la Franc-Maçonnerie. Ils n'ont pas désarmé. Ils se préparaient depuis longtemps à subir ces justes rigueurs et ils ont trouvé, soyez-en convaincus, le moyen d'y parer.
N'ont-ils pas encore des journaux à leur dévotion ? Au prix d'une prudence accrue, ils peuvent empoisonner l'esprit des masses. On ne leur a pas arraché la langue. Ils s'en servent pour semer le doute. D'une voix susurrante, avec, au besoin, la main en éventail devant la bouche. Ils plaident contre les idées nouvelles. Le soir, ils jettent un coup d'oeil attendri sur le petit tablier qu'ils ont caché au fond d'une armoire et ils écrivent des lettres anonymes.
On aurait tort de croire aussi que le juif est mis hors d'état de nuire. Il n'a pas de mal à trouver des hommes de paille pourvus de quatre grands-parents aryens.
On est plein d'indulgence envers Israël. Quand il s'agit de sauver la mise aux complices d'un Nathan ou de répondre aux désirs d'un Pereire ou d'un Goudchaux, certain président mi-chaud, mi-froid, rend des arrêts qui ne lèsent que les intérêts des actionnaires chrétiens.
Admettons que les intentions du gouvernement de Vichy soient des plus louables. Quels que puissent être les hautes vertus du Maréchal Pétain et le zèle de ses collaborateurs, a-t-on empêché qu'en marge de la Constitution, ne sévissent le ministère de la Réaction, le ministère des Basses-Manuvres, le ministère de la Combine ?
Et le Comité du profit illicite ne siège-t-il pas en permanence ?
II y a trop de provocateurs, trop d'agents louches, trop de malins qui jouent sur les deux tableaux, trop d'entreprises financières qui ne sont que des ambassades officieuses de la Grande-Bretagne.
Un complet nettoyage s'impose.
Et ne tardons pas. Ce serait un crime que de décevoir une fois de plus le peuple de France qui a un immense besoin d'agir, d'aimer, d'espérer et de croire !
Charles Dieudonné