1909.02.27.De Worms et Cie.Historique de la ligne Dieppe-Grimsby (1856-1908)
Copie de note
Le PDF est consultable à la fin du texte.Février 1909
Note remise par la Maison Worms & Cie
sur son service de steamers réguliers entre Dieppe et Grimsby
Cette ligne régulière a été fondée en 1856 par la Maison A. Grandchamp Fils & Cie. Au décès de M. Grandchamp, en 1890, elle fut continuée par ses associés, Messieurs Leblanc, Charlemaine, le second mourut à la fin de 1904, et le premier en février 1905. A ce moment une liquidation s'imposa. Cette ligne qui avait 50 ans d'existence fut grandement menacée d'une disparition complète. Notre Maison d'armement n'avait elle-même aucun intérêt dans cette affaire. Comme elle possédait par contre des services maritimes nombreux, elle fut sollicitée par des associés commanditaires de la Maison Leblanc, Charlemaine & Cie de reprendre à son compte le service Dieppe-Grimsby. Après quelque hésitation, elle consentit à examiner l'affaire.
Il fut reconnu que pendant longtemps elle avait été très prospère puis qu'elle avait périclité sous le coup de la concurrence active d'une ligne anglaise fondée entre Boulogne et Goole, autre port dans le Humber, fortement patronnée et subventionnée par la Compagnie du Nord. Le matériel naval de cette ligne était plus moderne que celui de la ligne française, les steamers étaient plus grands, plus rapides et mieux adaptés au trafic franco-anglais.
Pour faire réussir la ligne de Dieppe-Grimsby, il fallait la rajeunir, renouveler les bateaux et les installations. Notre Maison n'hésitait pas à consentir les dépenses nécessaires, mais elle restait inquiète sur la question de savoir si ces dépenses seraient récompensées par des résultats avantageux ou tout au moins rémunérateurs.
D'un autre côté, la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest mise au courant de la situation ne voyait pas sans regret l'éventualité de la disparition de la ligne Dieppe-Grimsby de laquelle elle retirait de sérieux avantages au point de vue des transports.
Cette situation amena des pourparlers entre la Compagnie de l'Ouest et notre Maison ; la Compagnie ayant déclaré qu'elle ne pouvait suivre la Compagnie du Nord dans la voie des subventions et ce mode de faire n'entrant pas non plus dans nos vues, notre Maison sollicita l'aide de la Compagnie sous une autre forme plus régulière et plus commerciale en lui demandant le transport à fret sur ses steamers de charbons à importer pour son compte de Grimsby à Dieppe. L'importance de ce tonnage à fret devant représenter à peu près le vide laissé dans le vapeur après l'embarquement des marchandises arrivées pour chaque départ régulier. Le taux du fret sans être exagéré devait cependant être assez rémunérateur pour pouvoir apporter une assistance efficace à la ligne.
La Compagnie de l'Ouest ayant consenti à cet arrangement et moyennant ce consentement, notre Maison racheta aux héritiers de MM. Leblanc, Charlemaine, la ligne de Dieppe-Grimsby, les steamers et les installations dans les deux ports. Elle en prit l'exploitation à la date du 1er avril 1905 et il n'y eut aucune interruption dans le service.
La Compagnie de l'Ouest assura de son côté l'exécution de son engagement, nous transportâmes pour son compte :
En 1903, du 31 mai au 31 décembre, | 12.988 tonnes |
1906, du 1er janvier au 31 décembre, | 21.924 tonnes |
1907, du 1er janvier au 31 décembre, | 22.749 tonnes |
1908, du 1er janvier au 31 décembre, | 22.897 tonnes |
Il ne faudrait pas conclure qu'en dehors de ce fret pour la Compagnie, nos autres transports ont diminué, bien au contraire, nous progressons lentement mais d'une manière continue malgré la concurrence acharnée des services anglais de Boulogne à laquelle est venue se joindre celle des services également anglais d'Anvers sur Grimsby qui attaquent notre transit anglo-italien.
Nous avons terminé en 1907 la liquidation des anciens steamers de la ligne et nous les avons remplacés par des navires neufs dont 3 ont été mis en service, un quatrième est en construction pour y servir accidentellement.
La moyenne de portée des anciens bateaux était de 580 T, nous l'avons augmentée pour les nouveaux jusqu'à 850 T. Notre fret ne se compose pas en effet uniquement de marchandises pondéreuses. Nous avons à transporter également des laines, des chanvres, des chiffons de laine et beaucoup d'autres marchandises de volume et il importe que les navires aient une capacité assez grande pour enlever à chacun de leurs départs la totalité des marchandises arrivées au port d'embarquement.
Notre service comporte deux départs réguliers chaque semaine de chacun des deux ports, le mercredi et le samedi, soit 208 mouvements d'entrée et de sortie. Si nous comptons pour les nouveaux steamers sur une portée effective de fret, soutes déduites, 780 tonnes, nous disposons d'une capacité de portée d'environ 40.000 T de plus qu'avec les anciens bateaux.
Mais évidemment par cela même nous devons prévoir une plus grande quantité de charbon à embarquer pour compenser le vide lors des voyages dans lesquels la matière volumineuse fera défaut, c'est ce qui nous conduit à solliciter des chemins de fer de l'État une augmentation de la quantité de charbon à transporter en demandant à ce qu'elle soit portée à 27.000 tonnes.
Trafic
Nos steamers ont transporté depuis la reprise de la ligne par notre Maison en plus des charbons pour le compte de la Compagnie de l'Ouest :
Charbons | Marchandises | ||
pour notre compte | Importation | Exportation | |
1905, 9 mois | 11.398 T | 8.439 T | 9.531 T |
1906, 12 mois | 13.821 T | 15.014 T | 14.629 T |
1907, 12 mois | 16.732 T | 15.688 T | 13.132 T |
1908, 12 mois | 17.570 T | 16.711 T | 13.791 T |
59.521 T | 55.852 T | 51.093 T | |
106.945 T |
La Compagnie de l'Ouest a transporté la totalité de ce trafic, soit 106.945 tonnes de marchandises et 59.521 tonnes de charbon : ensemble 166.466 tonnes.
Le port de Dieppe possède 2 services réguliers pour le transport des marchandises.
1° - le service Dieppe-Newhaven par les cargo-boats adjoints aux paquebots des voyageurs,
2° - le service Dieppe-Grimsby.
Ces deux services exploitent des districts d'Angleterre qui sont parfaitement définis et tranchés suivant une ligne que nous avons tracée sur une de nos circulaires pour l'Angleterre. Sa position résulte des tarifs des chemins de fer anglais. Notre point extrême dans le sud est Birmingham au nous faisons d'ailleurs peu de chose. Vers le nord, nous avons du trafic qui va jusqu'à Glasgow.
Nous remettons nous-mêmes au service de Newhaven toutes les marchandises qui nous sont adressées par nos clients lorsqu'elles sont destinées au sud, au sud-ouest ou au centre de l'Angleterre jusqu'à Birmingham.
En ce qui concerne le transit anglo-italien, nous réunissons à Dieppe les provenances de nos deux services pour former des groupages et assurer ainsi une prompte réexpédition à ce transit qui augmente régulièrement et qui requiert une grande ponctualité.
Il en résulte que non seulement les deux services de marchandises sur l'Angleterre ne se font aucune concurrence mais encore qu'ils se complètent à leur mutuel avantage.
Le transit italien est concurrencé par Boulogne par la ligne Bennett (Goole-Boulogne) que nous trouvons du reste contre nous en toutes circonstances, de même que la ligne de Newhaven retrouve les mêmes services Bennett contre elle dans leur ligne Londres-Boulogne par la Tamise.
2° - par la ligne Anvers-Grimsby par les bateaux du Great Central Rly via Modane et surtout via le Gothard.
Conclusion
Il résulte de ce qui précède que notre Maison a fait les plus grands efforts pour maintenir et pour développer le service Dieppe-Grimsby que les résultats répondent à ces efforts mais qu'il est indispensable dans l'intérêt du réseau de l'État comme dans celui de notre Maison que nous soyons maintenus en état de lutter contre les services subventionnés du nord, qu'à cet effet l'arrangement conclu en 1905 avec la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest ayant donné des résultats probants, son maintien par le réseau de l'État est nécessaire à la continuation de la ligne Dieppe-Grimsby qui est à proprement parlé un service annexe du réseau en raison de la communauté d'intérêt qui les lie.
Dieppe, le 27 février 1909