1903.04.17.De la Revue générale des transports.Article
Article de presse
Le PDF est consultable à la fin du texte.Les Services maritimes de la Maison Worms & Cie
Une des plus intéressantes compagnies françaises de navigation, une de celle qui rend les plus grands services et qui s'est développée d'une façon considérable depuis sa fondation au Havre il y a un demi-siècle, est assurément la société d'armement, connue sous la raison sociale Worms & Cie.
C'est, en effet, en 1856, que les services de cette importante maison furent fondés par M. F. Mallet, de la maison Hantier, Mallet et Cie, puis F. Mallet et Cie, dont M. Hippolyte Worms, de la maison Hippolyte Worms et Cie, de Paris, était l'associé commanditaire.
M. F. Mallet, qui fut, pendant de longues années, président de la Chambre de commerce du Havre et qui mourut, en 1899, laissant des regrets unanimes parmi toute la population maritime, commerciale, industrielle et ouvrière, s'était retiré en 1882. A cette date, MM. Worms, Josse et Cie, successeurs de MM. Hippolyte Worms et Cie, reprirent, en leur nom, la maison du Havre, dont ils confièrent la direction à MM. L. Lavotte et H. Jardin, les fondés de pouvoirs de M. Mallet.
En 1895, la raison sociale devint celle qui existe aujourd'hui : Worms et Cie. Le siège est à Paris, 45, boulevard Haussmann et fait directement un commerce très considérable de charbons anglais, avec ses succursales à Bordeaux, Marseille, Bayonne, Angoulême, Alger, Port-Saïd, Suez, Zanzibar, Buenos Aires, La Plata, Cardiff, Newcastle, Grimsby, Hull, etc. Les chefs actuels sont M. Henri Goudchaux, neveu du fondateur de la maison, qui faisait déjà partie de la raison sociale Worms, Josse et Cie, et M. Paul Rouyer.
La direction de la maison du Havre, port d'attache des steamers, est confiée aujourd'hui à M. H. Follin, plus spécialement occupé des services maritimes, et à M. S. Emo. L'ingénieur d'armement est M. Paul Le Magnen.
La maison Worms et Cie, du Havre, possède, en outre, à Paris, une dépendance, sous la forme d'un bureau spécial de fret, situé, 2, cite Rougemont, dont la gestion est confiée à M. G. Langevin.
La première ligne maritime de la maison fut un service du Havre à Saint-Pétersboug, qui fonctionna de 1856 à 1859 ; l'escale de Hambourg fut ajoutée à ce service en 1858 et lorsque le trafic sur Saint-Pétersbourg, qui n'avait pas donné les résultats espérés, fut abandonné, la ligne de Hambourg fut maintenue et devint le point de départ du développement de cette Compagnie de navigation. On se rendra compte des progrès réalisés depuis la fondation par l'énumération suivante des lignes créées.
En 1858, une ligne entre Le Havre et Bordeaux ; en 1859, une ligne entre Bordeaux et Hambourg ; en 1868, entre Bordeaux et Rouen ; en 1877, autres lignes entre Bordeaux et Pasages ; en 1890, entre Bordeaux et Anvers. Cette dernière, qui avait été, pendant plusieurs années, desservie occasionnellement, fut régularisée. En 1893, les ports de Brest et de La Rochelle furent régulièrement reliés avec celui du Havre par des escales à dates fixes.
Ces lignes sont celles encore aujourd'hui desservies par les steamers de la maison Worms et Cie ; elles sont toutes hebdomadaires, à l'exception de celles de Brest et de la Pallice, qui sont semi-hebdomadaires. Elles sont très appréciées et particulièrement renommées pour la régularité absolument parfaite des départs.
Les steamers partent du Havre, chaque samedi soir, à destination de Bordeaux et Hambourg. Un sur deux des vapeurs pour Bordeaux touche à Brest à l'aller et l'autre à La Pallice au retour. De Bordeaux pour Le Havre, pour Hambourg et pour Pasages, chaque dimanche matin ; pour Rouen, chaque jeudi soir ; pour Anvers, tous les vendredis soir. De Rouen pour Bordeaux, chaque jeudi matin ; de Hambourg pour Le Havre, Bordeaux, tous les vendredis soir.
Des départs supplémentaires entre tous ces ports sont faits pendant la saison active aussi souvent que les besoins du trafic l'exigent.
De fréquents départs ont lieu, en outre, pendant la saison des expéditions, directement de Bordeaux et parfois du Havre pour Brème.
Le port de Paris est relié avec les steamers partant de Rouen et du Havre ou arrivant dans ces ports au moyen d'un service combiné avec la compagnie fluviale, la Seine, dont les agents à Rouen sont les consignataires des navires de la maison Worms et Cie. Enfin un vapeur est affecté en grande partie au transport des charbons anglais destinés à la Compagnie Worms, et lorsque les lignes régulières n'occupent pas complètement la flotte de la maison, on affrète les steamers inutilisés pour des navigations diverses. On les envoie principalement en Baltique.
Les services maritimes de la maison Worms et Cie furent commencés avec trois petits steamers d'environ 500 tonnes de portée : le Lucien, la Gabrielle et la Séphora. Mais depuis lors quel développement ! Le matériel naval fut successivement et considérablement augmenté. Depuis 1870, la flotte de la Compagnie a toujours compté une douzaine de vapeurs. C'est surtout depuis 1891 qu'elle prit de l'importance, bien plus par le tonnage que par le nombre.
Le steamer Hippolyte Worms qui était à cette époque le plus grand bâtiment de la maison, en est aujourd'hui l'un des plus petits, et le matériel n'a pas cessé d'être renouvelé et mis en harmonie avec les besoins, les nécessités modernes.
Les douze beaux navires qui composent la flotte de la compagnie Worms sont : le Barsac, construit l'année dernière à Hoboken près Anvers, qui jauge environ 1.000 tonneaux nets et porte en lourd 2.600 tonnes ; le Michel du même tonnage ; le Suzanne-et-Marie ; le Séphora-Worms ; l'Emma et le Thérèse-et-Marie, de 850 tonneaux de jauge et portant en lourd 2.000 tonnes ; le Sauternes et le Haut-Brion, de 500 tonneaux de jauge et portant en lourd 1.400 tonnes ; l'Hypolite-Worms, de 580 tonneaux de jauge et portant en lourd 1.200 tonnes ; le Frédéric-Frank et le Marguerite-Franchetti, de 550 tonneaux de jauge et portant en lourd 1.100 tonnes et enfin le Bidassoa, de 300 tonneaux de jauge et portant 700 tonnes en lourd, affecté au service entre Bordeaux et Pasages.
Tous ces steamers sont commandés par des capitaines au long-cours. La plupart sont aménagés pour transporter un certain nombre de passagers de cabines. Ils peuvent donner des vitesses variant entre dix et douze nuds, et ceux affectés à la ligne du Havre à Hambourg et du Havre à Bordeaux effectuent la première de ces traversées en 50 heures et la seconde en 56 heures en moyenne.
Le steamer Barsac est le plus grand et le dernier des bâtiments construits ; il est commandé par le capitaine A. Fesq. Ce beau vapeur dont la coque est en acier mesure 79m,25 de longueur, 11 m,58 de largeur et 6 m,04 de creux, sa jauge est de 1 884 tonneaux brut et de 963 net, sa portée en lourd est de 2 570 tonnes, son tirant d'eau moyen en pleine charge est de 5m,8o et de 3 m,30 sur lest ; il est muni d'un water-ballast divisé en six compartiments et contenant 538 tonnes. Il a un pont et un entrepont en acier sur toute sa longueur et un entrepont supplémentaire en bois dans sa cale avant pour éviter l'accumulation des marchandises sur une trop grande hauteur ; il est muni d'une dunette servant de magasin et d'un pont abri. Les logements des passagers et des officiers sont placés au centre du navire, sur trois étages à partir du pont supérieur. L'équipage est logé sous le gaillard d'avant. Le Barsac est à hélice, actionnée par une machine de la force de 1 200 chevaux qui lui a donné une vitesse de 11 nuds ½ aux essais et 10 nuds en service.
Il possède deux grands générateurs et une chaudière pour la manuvre des treuils. Les installations pour les manutentions consistent en quatre treuils et quatre grues, d'une disposition spéciale et qui ont été particulièrement soignés en vue de la rapidité des opérations.
Les services maritimes de la maison Worms et Cie occupent au Havre, dans le bassin de la citadelle, devant les hangars A et B, une longue place à quai qui leur a été concédée depuis longtemps, mais dont la longueur est devenue aujourd'hui insuffisante en raison des dimensions de leurs derniers steamers construits.
Une augmentation d'emplacement s'impose pour faciliter le service et nous ne doutons pas que la Chambre de Commerce du Havre n'accorde bientôt sur ce point, entière satisfaction à la Compagnie.