1948.00.De Worms et Cie.Historique Port-Saïd.P and O.Burness.Holt.Stapledon (1861-1875)
Note de synthèse préparatoire à la rédaction du livre intitulé Un Centenaire - 1848-1948 - Worms & Cie, paru en octobre 1949
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Port-Saïd
1. Compagnie péninsulaire & orientale - J. Burness & Sons
2. Origine des relations avec l'armement A Holt et la maison Wm Stapledon
1°- Compagnie péninsulaire & orientale - J. Burness & Sons
1°) Avant l'ouverture du canal de Suez - Lorsque, en 1861, M. H. Worms devint le fournisseur des Messageries impériales pour leurs services d'Extrême-Orient, il fut amené à s'adresser à M. G. & A. Herring & C°, de Londres pour les affrètements nécessités par ses nouveaux engagements.
Les relations qui s'établirent entre les deux maisons devinrent très amicales et M. H. Worms s'associa bientôt à eux dans les adjudications ouvertes par la C° P & O pour fournitures dans l'océan Indien et en Extrême-Orient[1].
II utilisa leur intermédiaire, quelques années plus tard, avant même l'ouverture du canal de Suez à la grande navigation, pour devenir personnellement fournisseur de cette Compagnie à Suez.
Il avait déjà songé à lui faire des offres pour Alexandrie, où la Maison J. Burness était, semble-t-il, son fournisseur, mais l'organisation d'un service provisoire de transport par eau entre Port-Saïd et Suez, après la mise en communication du canal maritime et du canal d'eau douce, vint lui donner l'occasion de faire des propositions susceptibles de faciliter le ravitaillement de son dépôt de Suez qu'elle approvisionnait jusque-là par Alexandrie et le chemin de fer.
Ses amis, MM. Borel Lavalley & C°, avaient offert dans le courant de l'année 1866, aux Messageries impériales de faire par la voie d'eau ouverte dans l'isthme, le transport de leurs charbons jusqu'à Suez ; cette proposition ayant reçu un bon accueil et ayant été mise à l'étude, ils avaient alors demandé à M. H. Worms de les seconder dans des démarches du même genre qu'ils désiraient entreprendre auprès des compagnies anglaises intéressées. Sur sa recommandation, MM. G. & A. Herring & C° avaient introduit leur agent auprès de la Compagnie P & O.
Informé, peu de temps après, qu'en prévision de l'expédition d'Abyssinie, les autorités britanniques avaient fait des arrangements avec cette Compagnie pour leurs besoins de charbon dans le Proche-Orient ; il lui fit proposer, par l'intermédiaire de MM. G. & A. Herring & C°, d'approvisionner lui-même son dépôt de Suez par le Canal. Sa démarche resta sans succès, la Compagnie se trouvant suffisamment pourvue.
Quelques semaines plus tard, sur l'annonce que les Messageries impériales s'étaient décidées à adopter la nouvelle route, persuadé que leur initiative ne pouvait manquer d'avoir un certain retentissement, il fit renouveler ses offres. La Compagnie P & O les retint cette fois pour partie mais, finalement, les déclina, encore, ayant réussi à obtenir des réductions considérables pour le transport par voie habituelle.
M. H. Worms ne se découragea pas. Il apprit vers la même époque que les commissaires du gouvernement anglais trouvaient que le charbon qui leur était livré à Suez par la Compagnie P & O arrivait en mauvais état, concassé par le chemin de fer, brûlé par le soleil et couvert de poussière, alors que le charbon employé par la Compagnie du canal arrivait en parfait état, et qu'ils avaient adressé à leur gouvernement un rapport faisant ressortir l'avantage qu'il y aurait à ce que la Compagnie P & O employât la voie du Canal.
II était difficile, dans ces conditions, de s'expliquer la réponse faite par elle aux propositions de M. H. Worms, car elle avait très probablement déjà eu connaissance des observations des commissaires du gouvernement. Il se hâta d'aviser MM. G. & A. Herring & C°.
A ce même moment, ceux-ci recevaient de leurs amis, MM. Gray, Dawes & C°, agents de la British India, une demande pour une fourniture de 1.000 à 2.000 tonnes. Cette maison indiquait qu'à défaut d'une réponse satisfaisante elle s'adresserait à MM. Bazin & C°, qu'elle agissait pour le compte de la Compagnie péninsulaire et que celle-ci serait d'ailleurs heureuse d'avoir une offre pour des fournitures pendant trois mois, à raison de 2.000 tonnes par mois.
Cette demande mettait M. H. Worms dans une situation délicate. Il entretenait de bonnes relations avec la Maison Bazin qui était installée depuis plusieurs années à Port-Saïd, avait eu l'occasion de la recommander lui-même à MM. G. & A. Herring & C°, savait qu'elle s'intéressait au commerce des charbons, qu'elle en avait même récemment vendu à la Compagnie P. & O, livrable à Suez et que ce charbon elle l'avait acheté à MM. Borel, Lavalley & C°, dont il était le fournisseur, si bien que le charbon vendu par la Maison Bazin était du charbon fourni par lui. En donnant satisfaction à MM. Gray, Dawes & C°, il risquerait donc de porter tort à ses
relations avec MM. Borel, Lavalley & C°. MM. G. & A. Herring & C° insistèrent, faisant valoir qu'ils étaient déjà trop engagés vis-à-vis de MM. Gray, Dawes & C° et de la Compagnie péninsulaire et qu'en se retirant ils compromettraient irrémédiablement le résultat de leurs efforts au moment même où ces efforts étaient sur le point d'aboutir.
M. H. Worms accepta de donner son accord. L'affaire fut définitivement conclue le 26 novembre 1867 et un contrat fut passé au nom de la Maison de Cardiff, pour une quantité totale de 6.000 tonnes, livrables en trois mois, à raison de 2.000 tonnes par mois[2].
II avisa immédiatement la Compagnie du Canal et lui demanda de prendre le charbon à Port-Saïd en transbordement sur allèges et d'en assurer le transport à Suez par le Canal. Celle-ci accepta (10 décembre 1867) sans difficulté, aux conditions indiquées dans ses tarifs.
Les expéditions commencèrent dès la fin du mois de décembre 1867 par les navires "Eleazar", "Temi", "Martin-Luther", etc. et se poursuivirent normalement jusqu'à la fin du mois de mars 1868. Elles furent suivies d'une autre commande de même importance et à la fin de l'année 1868, la Compagnie P & O semblait arrivée à la conclusion qu'il était de son intérêt d'approvisionner son dépôt de Suez par la voie de l'Isthme.2°) Après l'ouverture du canal de Suez - L'ouverture du Canal maritime a la grande navigation en 1869, modifia les relations ainsi établies.
Contrairement aux Messageries impériales, qui abandonnèrent Suez dès février 1870 pour commencer leurs trajets directs et prirent leurs dispositions pour avoir un dépôt à Port-Saïd même, la Compagnie P & O resta sur la réserve et n'utilisa le Canal que progressivement. Ce ne fut que vers la fin de l'année 1871 qu'elle se montra entièrement convertie en sa faveur et ce ne fut qu'en 1872 qu'elle réussit à vaincre, mais en partie seulement, l'opposition de l'administration anglaise des Postes qui, par crainte d'accidents dans le Canal et de retards, l'obligeait à transporter les malles par le chemin de fer d'Alexandrie à Suez. Même en 1873 cette administration faisait encore valoir que le transport par chemin de fer était plus rapide[3].
Pendant assez longtemps le dépôt de charbon que la Compagnie avait à Suez conserva donc toute son importance pour ses navires.
M. H. Worms l'avisa de la création de son dépôt de Port-Saïd, avant même l'inauguration du Canal, et dès le mois de septembre 1869, malgré la difficulté que présentait l'évaluation, dès ce moment, du prix auquel reviendraient les opérations de charbonnage, il lui fit remettre une offre précise "pour le cas où l'ouverture du Canal nécessiterait que quelques-uns de ses navires visitassent Port-Saïd." Ses agents, MM. G. & A. Herring & C°, s'étaient arrêtés intentionnellement à cette formule, qui n'impliquait pas un choix immédiat de la Compagnie entre le Canal et l'Overland Route coûteusement aménagée par elle. Dans sa réponse la Compagnie se borna, effectivement, à donner l'assurance que l'offre serait prise en considération "should occasion arise".
En fait, elle lui confia quelques nouveaux ordres pour le ravitaillement de son dépôt de Suez, puis des fournitures à Port-Saïd, mais elles restèrent très rares ; la plupart de ceux de ses navires qui utilisaient le Canal passaient sans charbonner, bien que la Maison Worms, qui entretenait d'excellentes relations avec ses agents d'Alexandrie et de Suez, fût appelée à leur rendre de nombreux services et devînt en quelque sorte l'agent de la Compagnie dans ce port.
D'autre part, devant le succès remporté par le Canal, d'importantes entreprises anglaises de charbonnage qui, suivant le scepticisme à l'ordre du jour s'étaient désintéressées de Port-Saïd, cherchèrent à rattraper le temps perdu. Il en résulta une vive concurrence, d'autant plus dangereuse pour M. H. Worms que ces entreprises avaient l'avantage de leur position en Angleterre et la possibilité de rendre service aux armateurs dans d'autres points du monde. Cette concurrence s'attaqua à la position qu'il s'était acquise auprès de la Compagnie P & O.
Un groupe s'était en quelque sorte constitué, comprenant des personnalités déjà en relations avec la P & O dans d'autres ports, en particulier à Gibraltar et à Malte. Il était susceptible de devenir pour M. H. Worms, au dire de MM. G. & A. Herring &C° "a formidable opponent".
Une nouvelle maison créée à Port-Saïd avec le concours de la maison Lambert Son & Scott fit immédiatement sentir son action et son directeur se donna même un moment comme agent de la P & O[4].
De leur coté, MM. J. Burness & Sons, déjà fournisseurs de la Compagnie en Méditerranée, avec lesquels il entretenait lui-même d'excellentes relations et qui avaient même envoyé des navires à sa consignation à Port-Saïd, obtinrent d'elle l'autorisation d'expédier directement plusieurs cargaisons de charbon par voiliers à son dépôt de Suez, sans transbordement à Port-Saïd.
M. H. Worms sentit la nécessité d'avoir sans retard une forte organisation en Angleterre pour les affaires du Canal. Il songea à envoyer M. Henri Goudchaux à Londres, mais la guerre franco-allemande vint entraver ses projets et faciliter les progrès de ses concurrents anglais. L'un d'eux, la maison Lambert, aurait même fait courir le bruit, au mois de décembre 1870, que les maisons françaises allaient disparaître par manque de ressources[5].
Au retour de la paix, il décida d'entreprendre une action énergique pour regagner les positions perdues. Il envisagea, comme moyen de protection et de représailles, de créer un dépôt à Malte et, revenant à son idée d'avant-guerre, envoya M. Henri Goudchaux à Londres avec la mission de s'y consacrer avant tout aux intérêts de la maison de Port-Saïd.
C'est alors que naquit l'idée d'une entente avec la maison J. Burness & Sons. Cette idée lui avait été suggérée par MM. G. & A. Herring & C° qui lui avaient écrit le 22 février 1871 : « We find that MM. Corry (sic) brothers and MM. Lambert and C° have a great advantage over us, in coaling the steamers here, which, by getting them a first introduction, frequently insure to them the coaling at Gibraltar, Malta, Port-Saïd, etc. Under such circumstances we have it in contemplation to enter into some combination with MM, Green & Holland, who coal steamers here and with MM. Burness or some other house having depots at Gibraltar, Malta, Aden, Galle etc. We would be able to quote for the whole passage... »
L'opinion que M. Henri Goudchaux se fit lui-même au cours de son séjour à Londres cadra avec cette idée. Dans une lettre du 31 mars 1871 à M. H. Worms, après lui avoir signalé que la Maison de Port-Saïd avait devant elle une concurrence acharnée et qu'elle serait mieux servie en Angleterre par un Anglais que par lui, il ajouta : « Je sens qu'il y a là une difficulté que, avec toute l'activité que je désire et crois pouvoir mettre à votre service, je ne pourrai surmonter ».
MM. J. Burness & Sons manifestèrent, de leur côté, un même désir d'entente et des pourparlers furent engagés. Les premières conditions stipulées par eux ne parurent pas admissibles à M. H. Worms et les négociations n'aboutirent d'abord à aucun résultat. Elles furent reprises au mois de juin 1871 et un accord intervint en juillet/août suivants. Il fut confirmé et précisé en 1872[6].
Cet accord avait une portée générale et ne contenait aucune disposition particulière au sujet de la Compagnie P & O. Vis-à-vis d'elle la situation de chacune des parties semble avoir été alors la suivante : MM. J. Burness & Sons étaient les fournisseurs de son dépôt de Suez tandis que M. H. Worms était chargé à l'occasion de ravitailler ses navires à Port-Saïd. Le dépôt de Suez seul avait de l'importance, les charbonnages à Port-Saïd n'étaient qu'extrêmement rares mais, en fait, la maison Worms y servait d'agent aux navires de la Compagnie, dans l'espoir de conserver ainsi plus aisément sa clientèle. Elle assurait ce service à titre gratuit, le bénéfice réalisé éventuellement sur les opérations de charbonnage constituait sa seule rémunération.
Au début du mois de mai 1871, sur la nouvelle que le temps n'était plus éloigné où la Compagnie allait faire transiter ses navires par le Canal, M. Henri Goudchaux lui avait remis une offre pour le charbonnage de l'ensemble de ses navires à Port-Saïd à prix fixe, mais n'avait obtenu que la simple promesse d'être prévenu en temps utile pour faire des propositions « should it be contemplated for this Company's steamers to proceed through the Canal ». Peu de temps après, les journaux anglais annoncèrent que la marche régulière commencerait au mois d'octobre. Aucun changement ne semblait cependant prévu pour le charbonnage et la maison Burness continuait à envoyer des chargements à Suez. On en restait d'ailleurs réduit aux hypothèses au sujet des intentions de la Compagnie pour l'organisation de ses services dans l'Isthme. S'installerait-elle à Port-Saïd ? Y créerait-elle une agence et un dépôt de charbon dont elle assumerait elle-même la gestion, ferait-elle appel à une maison de la place déjà existante ? N'y installerait-elle pas son agence principale au lieu d'Alexandrie ? Les bruits les plus divers circulaient à ce sujet. Le moment ne semblait pas venu pour M. H. Worms de reprendre énergiquement la question.
Son accord avec MM. J. Burness & Sons laissait d'ailleurs subsister pour lui un danger. Si la Compagnie choisissait d'avoir un dépôt de charbon à Port-Saïd, celui de Suez disparaîtrait ou perdrait de son importance ; ces Messieurs qui avaient déjà un arrangement avec elle pour lui fournir tout le charbon dont elle avait besoin en Méditerranée chercheraient à lui vendre en Angleterre le charbon nécessaire au nouveau dépôt. M. H. Worms ne pourrait donc plus compter sur leur appui auprès de la Compagnie. Il jugea qu'il ne pourrait lutter contre eux et que dans ces conditions le mieux serait de ne rien entreprendre auprès de la Compagnie, sans leur appui.
Il se borna donc, au début, à faire appeler, par sa maison de Port-Saïd, leur attention sur l'importance que prendrait la question des fournitures de charbon à faire à la Compagnie péninsulaire à Port-Saïd le jour où le stock de Suez serait épuisé et à leur faire demander de s'entendre à ce sujet avec lui et avec MM. G. & A. Herring & C°.
Les choses en restèrent là, provisoirement.
La décision de la Compagnie au sujet des mesures qu'elle avait à prendre pour la réorganisation de ses services se fit encore attendre. Les difficultés qu'elle avait à vaincre étaient aggravées par les conséquences financières qu'avait entraînées pour elle l'ouverture du Canal, par l'opposition qu'elle trouvait auprès de l'administration des Postes britanniques, voire même par l'étude des mesures à prendre par suite de l'ouverture du tunnel du Mont-Cenis.
La maison J. Burness continuait d'ailleurs à lui expédier des chargements de charbon directement pour Suez par le Canal.
Cependant, les bons effets de l'accord conclu entre les deux maisons commencèrent à se faire sentir. La maison J. Burness réussit à passer, pour compte de la maison Worms, un marché pour de grosses fournitures à faire à plusieurs navires de la P & O de retour d'Extrême-Orient. Ces fournitures furent effectuées avec une rapidité qui donna toute satisfaction à la Compagnie et fit l'objet d'une lettre de remerciements de la part de son agent[7].
M. H. Worms avisa MM. Burness (25 juillet 1872) du résultat de ces différentes opérations en insistant sur le fait que la Compagnie pouvait ainsi se rendre compte qu'il était en mesure de la servir rapidement et à meilleur marché qu'elle ne pourrait le faire elle-même. Il en profita pour les informer qu'il était disposé à assumer son agence à Port-Saïd. Quant au charbonnage des navires, comme il était à prévoir que si la Compagnie décidait d'augmenter le nombre des passages par le Canal elle ne garderait vraisemblablement plus un stock aussi important à Suez et que ses besoins à Port-Saïd augmenteraient en proportion, il leur demanda leur appui pour obtenir ces fournitures d'une manière permanente.
Les choses traînèrent encore en longueur ; la succursale de Port-Saïd continua à servir d'agent à la Compagnie, mais sans grand profit.
Des informations recueillies par ses directeurs, au début de l'année 1874, permirent de penser que la Compagnie renoncerait à l'idée de créer une agence principale dans ce port et que le moment était favorable pour reprendre les pourparlers avec elle.
Une entrevue eut lieu au mois de mai. La Compagnie qui était toujours en instance auprès de l'administration des Postes pour obtenir l'autorisation d'organiser tout son service par le Canal et ne désespérait pas de l'obtenir à brève échéance, promit de prendre la démarche de la maison Worms en considération : la maison Burness fut chargée de suivre l'affaire.
Vers la fin du mois de juillet, une nouvelle et longue entrevue eut lieu entre M. Josse et M. Burness d'une part, M. Sutherland, directeur de la Compagnie d'autre part. M. Sutherland se montra tout disposé à donner à la Maison Worms non seulement la fourniture du charbon, mais aussi l'agence entière de la Compagnie, à Port-Saïd.
Il exposa que ses services allaient prendre une telle ampleur qu'un délai de 3 ou 4 mois serait encore nécessaire pour les organiser, qu'il désirait attendre que cette organisation fût faite pour conclure un marché charbon, mais que jusque-là la maison Worms continuerait à fournir ce dont la Compagnie aurait besoin.
Quant à l'agence, M. Sutherland se proposait de régulariser les choses à brève échéance. Elle devait comporter de nombreuses opérations : collecte de fret sur les côtes de Syrie et en mer Rouge, opérations de transit, déchargement, mise en magasin, rechargement des marchandises et, dans le cas où de gros steamers viendraient à Suez et auraient à débarquer une partie de leur cargaison, faire alléger par le Canal et réembarquer à Port-Saïd, etc.
Informés de ces intentions, les directeurs de Port-Saïd jugèrent qu'une affaire de cette importance offrait de grands dangers, entre autres celui de pouvoir susciter le mécontentement d'autres clients, et surtout celui de M. Stapledon qui, suivant leur dire, avait tendance à se montrer "autoritaire et dominateur". Ils ne soulevèrent cependant pas d'objection absolue et attendirent avec une certaine impatience de voir quels changements le fonctionnement des nouveaux services allait entraîner.
Ces changements furent de peu d'importance. Les premiers vapeurs qui commencèrent à passer au mois de septembre, sans que rien n'eut encore été officiellement convenu entre la Compagnie P & O et la maison Worms, ne prirent pas de charbon à Port-Saïd mais, comme par le passé, la maison Worms leur servit d'agent.
Les craintes des directeurs s'en trouvèrent accrues. A leur avis, les intentions de la Compagnie n'étaient pas assez nettes, ses propositions laissaient subsister trop d'incertitude sur les profits à espérer et sur l'importance qu'atteindraient les fournitures de charbon. D'autre part, comme elle ne fixait aucune durée pour la validité de ses engagements, il était à redouter que l'agence ne fût que provisoire et que la Compagnie ne décidât, à plus ou moins brève échéance, d'avoir son agence centrale, et ne cessât de faire appel à la maison Worms alors que celle-ci aurait dépensé beaucoup d'efforts pour vaincre les premières difficultés. Ces craintes se trouvaient en partie confirmées par de nouvelles informations, recueillies de différents côtés, suivant lesquelles l'agence de Port-Saïd ne serait, malgré tout, pas grand chose, que tout resterait concentré à Suez et que les gros charbonnages se feraient à Aden et à Malte.
Le 9 octobre, la Compagnie informa enfin directement la succursale de Port-Saïd qu'elle avait décidé de la prendre pour agent et lui indiqua les conditions auxquelles était subordonnée sa décision. Les directeurs de la succursale transmirent sa lettre à leur siège social avec leurs observations, insistant sur leurs craintes et lui laissant le soin de répondre.
Au cours d'un voyage qu'il fit à Paris à la même époque, M. Stapledon eut une entrevue avec la Maison Worms. Celle-ci comprit clairement qu'il fallait choisir entre lui et la Compagnie P & O. M. H. Worms décida alors de limiter ses offres à la seule fourniture du charbon, et, dût-il y perdre cette fourniture, de refuser une agence dont l'importance "impliquait des devoirs et des responsabilités qui finiraient par détruire l'indépendance et la personnalité de sa maison". Il informa MM. J. Burness & Sons de sa décision, le 9 novembre.
Peu de temps après, ses directeurs l'avisèrent qu'aux dires de M. Stapledon, M. Holt était très irrité contre la Compagnie P & O, qu'il avait l'intention de lui créer de formidables concurrences sur toutes ses lignes afin de la faire disparaître si possible, et qu'il n'était pas douteux qu'il ne consentirait pas à laisser ses affaires charbon entre les mains des agents de ses ennemis. Ils insistèrent d'une manière très pressante pour que la rupture fût complète et M. Josse se rendit alors à Londres où il eut une nouvelle entrevue avec M. Sutherland, le 8 décembre 1874. Il lui remit une lettre par laquelle la maison Worms retirait définitivement sa candidature pour l'agence. Il lui exprima ses regrets d'avoir à lui demander de reprendre une chose qu'elle aurait été si désireuse d'avoir, mais sa position lui faisait une nécessité de rester simple marchande de charbon. M. Sutherland se rendit avec bonne grâce à ses raisons. Il lui demanda seulement que la maison Worms continuât ses services pendant un mois ou deux afin qu'il eût le temps de prendre d'autres arrangements. M. Josse ne crut pas pouvoir refuser.
La succursale de Port-Saïd continua, en conséquence, quelque temps encore, de prêter à la Compagnie tout le concours possible, M. Stapledon ne formula plus d'objection.
Au mois d'avril suivant on apprit que la Compagnie s'était arrangée avec la P.S. & S.C. Cy.
Commentant cette nouvelle, la maison de Port-Saïd écrivit au siège social (25 avril) : « C'est une affaire consommée ! Avons-nous eu tort de lâcher cette Compagnie pour Stapledon ? C'est là la question, et elle nous paraît insoluble et nous pensons que s'il était temps encore d'opter nous prendrions encore le parti que nous avons pris, mais nous ne comptons nullement sur la certitude des affaires de Stapledon en notre faveur. Son bon vouloir pour nous ne sera jamais rien contre son intérêt ou tout froissement sérieux d'amour propre... La seule chose que nous puissions considérer comme bonne, c'est que depuis cinq ans et plus Stapledon nous a fait des scènes et des désagréments fréquents et de toutes natures et que cependant il est resté fidèle jusqu'à ce jour à notre maison ».
MM. J. Burness & Sons, au contraire, voyant la maison Lambert prendre ainsi, en quelque sorte, pied dans leurs affaires avec la Compagnie P & O, appréhendèrent de voir celle-ci charbonner moins à Malte et plus à Port-Saïd. Ils en exprimèrent quelque amertume aux directeurs de Port-Saïd : après avoir attribué l'origine du mal à leur désir d'être les agents officiels de la Compagnie, ils ajoutaient : « We do say that we have carried out your wishes without advancing our own opinions at all and that the result appears as bad as it could be for us, and we fear for you also ».
Dans leur réponse les directeurs de Port-Saïd exposèrent les raisons de leur conduite, celles aussi qui, à leur avis, étaient de nature à atténuer les regrets de MM. J. Burness & Sons et celles pour lesquelles ils gardaient leur confiance à M. Stapledon.
La maison de Port-Saïd évaluait à 5 ou 6 mille tonnes par an les fournitures de charbon qu'elle perdait en perdant la Compagnie et à 25 mille tonnes par an celles qu'elle avait par M. Stapledon et qu'elle avait d'ailleurs l'espoir de voir augmenter dans un avenir prochain.
Au mois de juillet suivant, l'affaire sembla devoir rebondir, à la suite de la chute de la P.S. & S.C. Cy. La maison de Port-Saïd estima que la question du choix d'un nouvel agent allait se poser pour la Compagnie P & O, que la maison Worms pourrait mettre cette circonstance à profit pour chercher à reprendre les fournitures de charbon, voire même l'agence à la condition que ce fût à un prix forfaitaire qu'elle indiquait. Elle voyait là un moyen de s'affranchir du "joug de Stapledon et de Holt".
Une tentative faite par l'intermédiaire de la maison J. Burness & Sons, au mois de novembre 1875 pour les fournitures de charbon, resta sans résultat.
2. Origine des relations avec l'armement A Holt et la maison Wm Stapledon
C'est dans une lettre de la maison G. & A. Herring & C° en date du 4 décembre 1869, moins de trois semaines après l'inauguration du canal de Suez, qu'il est question, pour la première fois, de l'armement a. Holt, à propos des affaires de Port-Saïd[8].
Par cette lettre MM. G. & A. Herring & C° informaient M. H. Worms que leurs correspondants de Liverpool, MM. Breeze & C° s'efforçaient d'introduire la maison de Port-Saïd auprès des armateurs du "Cleator" dont on venait d'annoncer le prochain départ de Liverpool pour Calcutta via Suez. « We may mention, ajoutaient-ils, that the owners of that vessel, M. Alfred Holt, is one of the most important steam ship proprietors in this Kingdom having a line of splendid steamers trading to China via the Cape and which will probably in a little time hence pass through the Canal. »
Effectivement le "Cleator" fut consigné à M. H. Worms pour un voyage ; il ne prit pas de charbon. Peu de temps après, en février 1870, il fut annoncé que M. A. Holt montait une grande ligne de steamers pour la Chine à travers le Canal. Il avait à ce moment 6 steamers navigant et 6 autres en construction.
Le "Cleator" fut suivi au début de mars 1870 par le "Diomed". M. A. Holt promit à la maison Worms de lui adresser sa flotte pour les Indes. Un des premiers navires qui suivirent, le "Priam" était porteur d'une cargaison de grande valeur (estimée à 9 millions). M. A. Holt demanda que des soins particuliers lui fussent donnés lors de la traversée du Canal. M. H. Worms écrivit lui-même à ce sujet à la Compagnie du canal.
L'attitude résolue et confiante que prenait ainsi l'armement A. Holt pour l'utilisation du Canal, contrastait avec la défiance de la Compagnie P & O et de l'administration des Postes britanniques.
Le capitaine du "Diomed" informa la maison de Port-Saïd que, lors du retour des six premiers navires, vers le milieu du mois de juillet, elle pourrait espérer une demande de 2.500 T de charbon. L'armement A. Holt prenait ainsi déjà une place prépondérante dans ses affaires, et devenait pour elle un client d'autant plus précieux que le nombre des passages ne progressait que lentement, que la concurrence devenait très vive et avait réussi (Lambert Sons & Scott) à lui enlever celle du premier armement important venu à elle, l'armement Donald R. Mac Grégor de Leith, et s'attaquait à la Compagnie P & O.
Aussi, à la fin de l'année 1870, la maison de Port-Saïd apprit avec regret qu'il envoyait à Port-Saïd un "superintendant" qui s'y fixerait et fit part à M. H. Worms avec quelque découragement, des appréhensions que lui causait cette nouvelle. Le 4 janvier suivant, elle lui annonçait effectivement l'arrivée "d'un M. Stapledon accrédité par M. Holt comme son agent" et qui allait fonder à Port-Saïd une maison dans 3 ou 4 mois, mais elle ajoutait alors : « La lettre que M. Holt nous a adressée, nous témoigne son intention de continuer avec notre maison exclusivement, pour toute la fourniture de charbon. Outre les steamers de Holt, il y aura ceux de Rathborne Frères et deux autres maisons puissantes de Liverpool - le tout concentré dans les mains de Stapledon qui plus tard paiera lui-même les droits de passage. Conformément à la lettre de M. Holt, M. Stapledon nous a témoigné le désir de nous demander exclusivement à nous, tout le charbon nécessaire à cette flotte, mais il est sollicité par d'autres maisons et il nous a demandé de lui faire nos conditions les plus douces... Pendant les 3 ou 4 mois qui vont suivre avant l'installation de Stapledon ici nous continuerons à payer les droits de Canal et autres débours aux conditions actuelles ».
M. Stapledon se déclara satisfait des conditions que lui proposa Port-Saïd et les transmit à M. Holt. M. H. Worms les approuva en raison de l'importance qu'il attachait à consolider ses relations avec cet armement.
M. Stapledon entra définitivement en fonction au mois d'avril 1871.
Il manifesta tout de suite son estime à la maison Worms en confiant aux directeurs de Port-Saïd que M. Holt et ses amis étaient très mécontents de leur fournisseur de Malte et qu'il lui offrirait une consommation ; assurée si elle voulait y établir une succursale de Port-Saïd[9].
Un incident vint cependant menacer dès le début la bonne entente qui semblait s'établir. Informé que le directeur de la succursale de Cardiff avait fait à M. Holt des offres de charbon inférieures à celles qu'il avait obtenues lui-même de Port-Saïd, M. Stapledon en manifesta un très vif mécontentement. Les choses furent arrangées à sa satisfaction, mais les directeurs de Port-Saïd firent part à M. H. Worms des craintes qu'ils avaient éprouvées en y ajoutant le commentaire suivant : « Si la clientèle de M. Holt et de ses amis nous échappe, il ne nous reste plus qu'à liquider la maison. Le nombre des steamers de cet armateur va toujours en augmentant et avant la fin de l'année ils auront ici, aller et retour, un mouvement de deux navires par semaine... étant leur fournisseur je jouirai de leur très grande influence sur la Compagnie qui attache à cette ligne bien autre importance qu'aux Messageries ou à la Péninsulaire. Cette ligne seule paiera plus de 2 millions de francs de droits de Canal par an. »
Les rapports entre les deux maisons restèrent excellents mais ils n'empêchèrent pas M. Stapledon d'émettre peu après l'idée d'entreprendre lui-même le charbonnage des navires dont il avait le contrôle. L'entreprise ne semblait pas pouvoir être d'une réalisation immédiate, en raison du poids des occupations que lui imposait l'importante flotte confiée à ses soins, mais M. Holt se montrait disposé à entrer dans ses vues et la maison de Port-Saïd chercha à le convaincre qu'il avait intérêt à s'adresser à elle, et sembla y réussir.
Cette affaire donna lieu cependant à une nouvelle friction. M. Josse ayant jugé utile de faire une visite à M. Holt à cette occasion, M. Stapledon s'en montra très offensé. Les choses n'allèrent cependant pas plus loin et la bonne intelligence se rétablit. M. Josse avait d'ailleurs rapporté de sa visite non seulement la conviction que M. Stapledon jouissait de la confiance la plus absolue de M. Holt, mais aussi la confirmation qu'il adressait à Liverpool de bons rapports sur le compte de la maison Worms et que M. Holt était lui-même très satisfait des services que celle-ci lui rendait.
M. H. Worms ne s'exagérait pas l'importance des mouvements de mauvaise humeur que lui signalait sa succursale et supposait qu'ils avaient un but d'intérêt personnel. Les événements semblèrent, par la suite, lui donner raison.
Les directeurs de sa succursale rendaient cependant toujours hommage à M. Stapledon. Ils voyaient en lui un matelot, presque un illettré, emporté et susceptible, à l'esprit dominateur et autoritaire, mais très intelligent, sachant se comporter en "galant homme", très dévoué aux intérêts de l'armement A. Holt, mais fidèle à ses engagements.
Sa fidélité se traduisit vis-à-vis de la maison Worms, entre autres façons, par l'attention qu'il mit à lui réserver toujours les navires de MM. A. Holt et Rathborne, malgré les vives sollicitations dont il fut l'objet, et ne donna à M. Coste, concurrent de la maison Worms avec lequel il était cependant très lié et entretenait d'amicales relations de famille, qu'une partie des navires en dehors des lignes régulières qui venaient à sa consignation.
Par contre, ils se plaignaient fréquemment de la tutelle qu'il semblait vouloir exercer sur eux et qui devint irritante au moment où la maison Worms fut sur le point de prendre en mains, officiellement, l'agence de la Compagnie P & O.
Au début de l'année 1873, à l'occasion du renouvellement des accords avec M. Stapledon, commentant les conditions qu'ils avaient consenties, ils écrivirent à M. H. Worms : « Ces conditions sont très dures, mais nous avons préféré les accepter que de perdre cette importante relation qui aurait donné une grande force à la maison qui l'aurait eue. Le but vrai de Stapledon était de pouvoir dire à ses amis que par sa position à Port-Saïd il est à même de faire mieux que qui que ce soit ; à tort ou à raison - il se méfie de MM. Burness et c'est surtout contre eux qu'il veut se défendre. En agissant comme nous l'avons fait, nous avons conservé Stapledon sans nuire à Burness. Car nous comprenions très bien l'importance de l'un et de l'autre ».
Les relations entre les deux maisons continuèrent ensuite à suivre les progrès réalisés par l'armement A. Holt. Celui-ci donna même à la maison Worms, au mois d'octobre 1874, un nouveau témoignage de la considération qu'il avait pour elle en lui confiant les affaires qu'il avait à Suez.
Après la rupture définitive de celle-ci avec la Compagnie P & O en juin 1875, à la veille d'un départ pour l'Europe, M. Stapledon tint à avoir un entretien avec ses directeurs et les convoqua à son bureau. Dans un compte-rendu que ceux-ci firent à M. H. Worms, ils dirent entre autres choses :
« II a préludé à ses remarques en nous disant qu'il tenait à nous faire voir par sa correspondance, ce que nous avions gagné, ou plutôt ce que nous avions sauvé en abandonnant la P & O.
D'après M. Stapledon, Coste, lors de sa dernière visite en Angleterre l'année passée, a traité avec Holt pour la fourniture de ses steamers à Port-Saïd, et aurait réussi à obtenir de ce dernier la promesse de la moitié de ses affaires à dater du moment où ses nouveaux steamers prendraient la mer.
Sur ces entrefaites, nous avons renoncé à l'agence de la P & O qui depuis a été donnée à Royle. Alors, Stapledon sachant ce qui allait se passer a écrit à Holt pour lui représenter que nous avions renoncé à la fourniture de la P & O pour être agréable à lui Stapledon, et dans l'intérêt de la ligne Holt ; tandis que nos concurrents Lamberts prenaient cette agence importante : cet arrangement inattendu était un coup sérieux pour nous ; que lui Stapledon pensait que, vu les circonstances, il ne serait pas juste de donner suite aux arrangements avec Coste, et qu'il serait plus équitable de nous laisser toute la fourniture pour nous dédommager de ce que nous avions perdu d'un autre côté.
A ces observations Holt a répondu : (et nous avons vu sa lettre) "Arrangez pour le charbon chez vous comme vous l'entendrez, j'expliquerai l'affaire à M. Coste."
Après nous avoir ainsi exposé toute l'affaire, Stapledon nous a dit : "Je dois vous informer que M. Coste, après avoir fait ses arrangements avec Holt, m'a promis un shilling de commission par tonne bien qu'aucune démarche en sa faveur n'ait été faite par moi auprès de M. Holt : je laisse à vous de décider si je dois perdre au point de vue de mes intérêts personnels par suite de mon attachement à votre maison".
La demande de Stapledon nous a beaucoup embarrassés. Cependant nous lui avons répondu de suite que nous ne désirons nullement que ses intérêts souffrent en conséquence de son amitié pour nous ; que cependant dans les conditions actuelles de notre arrangement avec lui, nous ne voyions pas de marge pour faire de plus grandes concessions.
Il nous a fait remarquer que nous donnions une commission à Burness - que nous pourrions lui donner à lui en la supprimant au premier. Voyant que la discussion prenait un tour assez compliqué et dangereux, nous avons dit qu'il serait nécessaire de nous concerter avec vous pour voir ce que nous pourrions faire, et qu'en tous cas, nous étions sûrs que les choses s'arrangeraient selon ses désirs.
II est resté entendu que la question serait discutée par lui avec vous à Paris... »
Plus tard, en juillet de la même année, lorsque la maison de Port-Saïd jugeant que la question de l'agence de la Compagnie P & O pouvait être remise sur le tapis, revint sur son opposition antérieure en indiquant les conditions qu'elle y mettait, elle ajouta :
« Ces conditions nous seraient assurées pour au moins 3 ou 5 années. Dans ce cas, brûler la politesse à Stapledon et lui dire que s'il veut bien nous continuer sa fourniture nous le servirons bien... mais sans le rabais de 6 pence à Holt. Enfin secouer le joug honteux et ruineux que nous subissons en ilotes depuis six ans ! C'est là notre rêve ! Vous ne savez pas ce que cet homme nous a fait souffrir. »
Ces paroles ont été écrites de la main de M. Rosseeuw, collaborateur de la première heure à qui M. H. Worms avait fait appel pour ses entreprises les plus importantes depuis l'origine de sa maison. M. Rosseeuw écrivait au courant de la plume en un style imagé, parfois familier ; il passait fréquemment par des alternatives de grande confiance et de pessimisme qui amenaient M. H. Worms à le modérer ou à l'encourager, selon les circonstances. Cette tournure d'esprit se manifeste fréquemment dans ses lettres de Port-Saïd et en rend la lecture particulièrement instructive et intéressante.
[1] II participa ainsi, pour moitié, à une fourniture de 6.000 tonnes à faire à Pointe de Galle (Ceylan) que la C° P & O attribua à MM. G. &. A. Herring en février 1862.
[2] Informé à ce même moment que la Compagnie P & O allait cesser ses approvisionnements à Malte et faire charbonner ses vapeurs à l'avenir à Marseille, M. H. Worms lui fit faire des propositions pour ce port. Ses démarches n'aboutirent que plus tard.
[3] Plus audacieuse, l'amirauté britannique, après avoir effectué des sondages et une visite minutieuse et plusieurs essais, à la fin de l'année 1871, le parti définitif d'utiliser le Canal pour le transport des troupes et du matériel militaire. Les navires affectés à ce transport avaient cependant des dimensions exceptionnelles.
[4] Quelques mois après, en 1871, cette même maison mit M. H. Worms en échec pour les fournitures de l'amirauté britannique qu'elle obtint par un contrat de trois années.
[5] II rompit à cette époque une entente qu'il avait conclue antérieurement avec la maison Bazin (Cory de Cardiff) et qui indirectement avait fait le jeu de ses concurrents.
[6] Un des fils de M. J. Burness fit une visite à M. H. Worms à Paris au mois de juillet 1871. Il lui déclara que sa maison se rendait compte du grand développement que devait prendre la navigation à vapeur par le canal de Suez, que jusqu'alors elle s'en était peu occupée, mais qu'elle était bien décidée à lui donner toute son attention, à disputer le terrain pied à pied et à regagner ce qui avait été perdu.
[7] II s'agissait de "tea-ships" pour lesquels MM. Burness avaient recommandé à M. H. Worms de tenir le charbon prêt afin d'éviter tout retard. Il y avait à l'époque, entre les navires qui rapportaient les premiers thés une course d'émulation comme il y en avait eu autrefois entre les clippers. C'était pour les armateurs une question d'honneur d'arriver avant l'autre.
[8] On le trouve mentionné dans la correspondance de la maison Worms bien avant la création de la succursale de Port-Saïd. En 1857 par exemple, M H. Worms avait envisagé d'affréter à temps deux navires de cet armement pour des transports de charbon de Cardiff à Bordeaux.
[9] C'est vers cette époque que M. H. Worms envisageait de créer lui-même un dépôt à Malte pour se défendre contre la concurrence qui lui était faite à Port-Saïd.