De la révolution industrielle aux Trente Glorieuses, de la guerre de Crimée aux deux conflits mondiaux, du percement du canal de Suez à l’indépendance des pays d’Afrique du Nord, de la Crise de 1929 au boom des valeurs boursières…, la Maison Worms a conduit son développement dans le monde. L'émergence des activités nouvelles a toujours procédé de la nécessité de conforter les métiers existants : le commerce international de charbon anglais a amené aux transports maritimes (cabotage, haute mer, pétrole), lesquels ont conduit à la construction navale, la clientèle de ces trois départements ayant permis l'orientation vers les Services bancaires.
1: Commerce de charbon anglais et services maritimes
1801 - 1856 : Fondations de la Maison Worms
Installation d'Hypolite Worms (1801-1877), marchand banquier, au 46, rue Laffitte, à Paris (1841-1842). Engagement dans le commerce international de charbon anglais (1848) et mise en place d'une infrastructure en France et en Angleterre : Rouen, Dieppe, Newcastle (1848), Le Havre (1849) et Cardiff (1851). Premiers contrats avec les compagnies gazières et de navigation, l'État, les Messageries maritimes et les chemins de fer, en métropole et à l'étranger (1850-1856). Approvisionnement en charbon de la Marine française durant la guerre de Crimée (1854-1855). Participation à la création de l'Anglo-French Steam Ship Cy en vue de développer le port de Grimsby où une succursale est ouverte (1856). Naissance de la flotte Worms : commande (1855) et mise en service (1856) des deux premiers steamers, "Séphora" et "Emma".
Fondation des succursales de Bordeaux (1857) et de Marseille (1858). Essai de navigation en mer Baltique (1858) et établissement progressif d'un réseau de cabotage national et nord-européen : inauguration des lignes Bordeaux-Le Havre-Hambourg (1859), puis Bordeaux-Anvers (1869). Approvisionnement des stations de soutage des compagnies maritimes européennes en Méditerranée, en Amérique du sud et jusqu'en Extrême-Orient (Tourane, Hong Kong, Shanghai...). Établissement du siège de la Maison au 7, rue Scribe, à Paris (1864). Livraison de charbon aux entreprises chargées du creusement du canal de Suez (1865). Création de la succursale de Port-Saïd (1869).
Transformation de la Maison en société en nom collectif dénommée Hypte Worms & Cie (1874). Décès d'Hypolite Worms (1877), auquel succèdent Henry Josse (1818-1893) et Henri Goudchaux (1846-1916). Transfert du siège social au 45, boulevard Haussmann, à Paris (1878). Offre de services bancaires à la clientèle de la succursale de Port-Saïd ; adoption de la forme en commandite simple sous la raison, Worms, Josse & Cie, et absorption de la société F. Mallet & Cie, au Havre, dont H. Worms fut actionnaire fondateur (1881). Création d'une antenne commerciale à Pasajes (1884) et d'un dépôt charbonnier à Zanzibar (1885).
Défense des positions contre la concurrence : ouverture des succursales de Bayonne (1887), Alger (1891) et Buenos Aires (1892). Caution financière apportée à Marcus Samuel & C° pour le passage de ses tankers par le canal de Suez (1891). Élection d'Henry Josse au Parlement anglais (1892-1893). Changement de la raison sociale en Worms & Cie (1895). Renforcement de la Maison de Port-Saïd : vente des produits pétroliers de la Shell en Égypte, Palestine et Syrie (1899). Rachat de la ligne Dieppe-Grimsby (1905), créée par A. Grandchamp Fils en partenariat avec la Maison, ainsi que des services Nantes-Bordeaux et Nantes-Bayonne exploités par l'Armoricaine (1907).
Réquisition temporaire ou permanente d'une partie de la flotte ; 10 navires, sur 19 au début du conflit, sont torpillés ou coulés par des mines ; forte augmentation des importations de charbon anglais (1914-1918). Création d'une ligne entre Bristol-Swansea et Le Havre (1915). Décès d'Henri Goudchaux (1916) ; Hypolite Worms (1889-1962), petit-fils et homonyme du fondateur, devient le chef de la Maison. Contrat conclu avec la Marine en vue d'assurer entre le Pays de Galles et le port de Brest un transport mensuel de 8.000 tonnes de charbon, ramenées à 6.000 tonnes en raison de la décimation de la flotte ; pour cette même raison la convention par laquelle la Maison s'est engagée auprès de l'État à affecter à des voyages entre Bordeaux et Dunkerque et à des voyages de cabotage entre ports français 13 de ses navires est ramenée à 10 unités ; parallèlement l'organisation commerciale dans tous les ports du Royaume-Uni est mise à la disposition de l'Administration, la Maison assurant la gérance des vapeurs alloués à la France par le Comité interallié (1916-1918).
Constitution des chantiers navals du Trait, en Seine-Maritime, à la demande de l'État (1917-1920) ; le premier navire, le "Capitaine-Bonelli", y est lancé en 1921. Lors du départ en retraite, en 1925, de Georges Majoux, associé gérant depuis 1916, spécialement chargé de ce département, 24 navires ont été construits pour la Marine nationale et les compagnies commerciales ; le village du Trait est devenu une "cité-jardin" où vivent 4.000 personnes.
Reconstruction de la flotte et concentration des Services maritimes sur l'Europe septentrionale : implantation à Rotterdam, Hambourg, Anvers et Dantzig, lignes sur l'Allemagne, la Pologne, la Prusse orientale et la Russie (1919), installation à Varsovie, Prague et Duisbourg (1920), desserte des Pays baltes (1922). Établissement d'un service Marseille-ports du nord en 1936, pour pallier la baisse de trafic en mer Baltique.
Expansion du commerce de charbon en Méditerranée orientale et diversification des sources d'approvisionnement : en 1937, les minerais anglais ne représentent plus que 60% du volume importé par la Maison, le reste provient d'Allemagne, de Pologne, de Belgique, de Hollande, du Tonkin et de Turquie. Distribution de combustibles liquides à partir de 1936.
Entrée de Jacques Barnaud dans la Maison (1927) dont il devient associé gérant en 1929. Création des Services bancaires (1928), sur le modèle des merchant banks : crédits et escompte accordés aux sociétés clientes des départements combustibles et maritimes, soutien financier et conseil apportés aux établissements frappés par la récession économique ("crise de 1929") et aux entreprises à fort potentiel de croissance, mais dépourvues des moyens nécessaires à leur modernisation. Ainsi, la Compagnie havraise péninsulaire par l'intermédiaire de laquelle la Maison s'engage dans la navigation au long cours ; les Établissements Marret, Bonnin, Lebel & Guieu ; la Lyonnaise des eaux et de l'éclairage ; l'Omnium colonial ; Félix Potin ; Air France ; la Société d'entreprises de grands travaux hydrauliques ; les Entreprises Albert Cochery ; la Société des transports maritimes pétroliers ; La Préservatrice ; les Établissements Japy Frères ; la Manufacture centrale de machines agricoles Puzenat... L'équipe qui procède à ces réorganisations, sous la direction de G. Le Roy Ladurie et de R. Meynial, réalise en 1938 une opération d'envergure nationale avec la fondation de la Société française de transports pétroliers, société d'économie mixte, qui allie l'initiative privée à la puissance de l'État.
Rapatriement en France du personnel basé en Europe du nord et réquisition des flottes Worms, Nochap, SFTP et STMP (1939). Paralysie des Services maritimes et combustibles dont une partie de l'administration est repliée sur Nantes ; évacuation des chantiers navals du Trait ; signature des "accords Worms" transférant à l'Angleterre les 2 millions de tonnes de navires neutres dont Hypolite Worms a négocié, à Londres, les contrats d'affrètement au nom de la France (1940). Campagne de presse contre la Maison dans les journaux collaborationnistes ; placement de la Société sous contrôle d'un administrateur allemand et des Chantiers du Trait sous celui de la Kriegsmarine. Création des agences bancaires de Marseille et d'Alger (1940-1941).
Reconversion du département charbons dans l'exploitation de tourbières, foresteries et scieries (1941). Bombardements du Trait (1941-1943). Mise sous séquestre de la succursale d'Alger par le Comité français de défense nationale (1943), menace d'extension de cette mesure en France (1944).
Entrée dans la gérance de Robert Labbé, petit-fils d'Henri Goudchaux, et de Raymond Meynial (1944). Action judiciaire à l'encontre d'H. Worms et de G. Le Roy Ladurie, accusés de collaboration économique avec l’ennemi : l'instruction aboutit à un classement du dossier par la Cour de justice de la Seine, en 1946, et par un non-lieu rendu par la Commission d'épuration, en 1947.
Transformation des chantiers navals du Trait en société anonyme sous la raison : Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime (1946). Arrêt du métier d'importateur de charbon suite à la décision prise par l'État de réserver le monopole de cette activité à l'Association technique de l'importation charbonnière (1948) ; distribution de produits pétroliers et participation à la création d'Antar. Prise de participation dans La Foncière Transports (1949).
Extension du pôle maritime en Europe du nord, en Méditerranée et dans l'océan Indien. Mise au point par les Services bancaires, à travers le Ciave, des premiers financements d'usines clé en main à l'étranger. Constitution de Worms Compagnie maritime et charbonnière (1957), filiale poursuivant l'exploitation des deux départements historiques de la Maison.
Décès d'Hypolite Worms et de Jacques Barnaud (1962) auxquels succède Raymond Meynial (1902-1996). Mouvement de décolonisation : fermeture d'établissements en Afrique du nord, création de filiales communes avec les gouvernements indépendants, développement des prestations de services aux armateurs étrangers. Modernisation des compagnies maritimes contrôlées par la Maison : entrée en flotte des premiers porte-conteneurs et des supertankers - VLCC. Transformation des Services bancaires en une entité indépendante, la Banque Worms & Cie (1964), dont le capital est ouvert à des partenaires étrangers (1967). Entrée dans la Compagnie bancaire (1966), laquelle regroupe depuis 1959 les activités financières créées sous l'égide de Jacques de Fouchier. Fusion-absorption des chantiers navals du Trait par les Chantiers de la Ciotat (1966). Arrêt d'exploitation des lignes maritimes sous pavillon Worms. Engagement dans le crédit-bail immobilier par la fondation d'Unibail (1968). Renforcement du réseau des agences de la Banque Worms en France et à l'étranger.
Prise de contrôle de Pechelbronn (1970), ancienne société mère d'Antar, puis de Simer (1973), holding d'investissements outre-mer. Rassemblement des armements et sociétés de services maritimes dans la Compagnie navale Worms (1971). Désengagement des activités combustibles (1972-1983). Réunion des participations industrielles, commerciales et tertiaires au sein de Pechelbronn. Départ en retraite de Raymond Meynial et entrée de Nicholas Clive Worms, petit-fils d'Hypolite Worms, dans la gérance de la Maison (1974). Constitution d'Arc Union.
Nationalisation de la Banque Worms (1982). Poursuite des opérations financières à travers des sociétés filiales, telles la Banque de Gestion Privée et la Banque Worms & Cie (Suisse), puis redéploiement à travers Demachy Worms & Cie (1983-1989). Transformation de la CNW en Compagnie nationale de navigation - CNN, après la reprise de cette dernière à Elf (1986). Réunion sous Saint-Louis (1986-1991) des sociétés agroalimentaires (Générale sucrière, Lesieur...) et papetières (Arjo Wiggins Appleton créée en 1990 par le rapprochement d'Arjomari Prioux et de Wiggins Teape Appleton Plc). Transformation en sociétés en commandite par actions de Worms & Cie (1987) et de Pechelbronn (1989). Création d'Athena Assurances (1989) sous laquelle sont regroupés PFA (produit de la fusion en 1984 entre La Préservatrice et La Foncière), GPA et La Lilloise. Développement des activités d'asset management à New York sous le nom de Permal. Fusion entre Pechelbronn et Simer (1991) qui adopte Worms & Cie comme dénomination tandis que l'ancienne Worms & Cie est baptisée Maison Worms & Cie.
Cotation de la holding à la bourse de Paris et ouverture du capital à IFIL (groupe Agnelli - 1990), Temasek Holdings Pte (véhicule d'investissement du gouvenement de Singapour - 1992), et Abu Dhabi Investment Authority (1992). Rapprochement de la CNN avec la Compagnie maritime belge ; apport d'Arc Union à Unibail (1995). Absorption de Maison Worms & Cie (1996) et de Saint-Louis par Worms & Cie qui adopte la forme de société anonyme à directoire et conseil de surveillance (1997).
Vente de Demachy Worms & Cie à ABN-Amro, d'Athena Assurances aux AGF et de CNN à la Compagnie maritime belge (1997-1998). Puis, cession de Permal à Legg Mason (2005) et des titres SGS directement aux actionnaires de Worms & Cie (2006). Enfin, désengagement de la branche "papier" exploitée sous le nom de Sequana.
Développement dans deux secteurs (depuis 2006) :
l'un, traditionnel : l'agence maritime, à travers Worms Services Maritimes, société, qui, par son expansion en Égypte, en Afrique du Nord et en France, poursuit l'œuvre débutée par le fondateur de la Maison dans les années 1850,
et l'autre, nouveau : la conception de solutions de risques management adaptées aux opérations de Testing, Inspection et Certification, à travers Worms Safety, qui a formé une alliance de sociétés expertes dans le monde entier.